Zenzile : Un autre Dub est possible !

Zenzile a longtemps été le porte-drapeau du dub à la française. Depuis 1995 le groupe, basé à Angers, a baladé son reggae instrumental du côté du rock ou de l’électro. « Electric Soul », son 7e album vient de sortir et ramène le groupe vers des rivages Reggae plus traditionnel. L’occasion pour Riffx de revenir sur cette scène novo-dub française qui semble en suspens.

Ce qui frappe à l’écoute de ce nouvel disque, c’est l’omniprésence des voix et des mélodies. Pourtant les pionniers du dub made in France se sont fait connaître grâce à leur musique instrumentale. Petit rappel : le dub c’est du reggae sans les chanteurs. C’est la Face B des maxis vinyles sur lesquels les chanteurs jamaïcains posent leurs voix. Le dub est donc une musique retravaillée en studio. Ses héros se nomment : Lee Scratch Perry et King Tubby. Mais au début des années 1990 des groupes comme High Tone ou Zenzile retranscrivent cette musique sur scène avec guitares, basse, saxo et platines : le novo-dub français est né ! Alors peut-on encore parler de dub pour cet « electric soul » ? Pour Zenzile : « On voulait un album au format pop avec des refrains et des mélodies mais on a gardé le traitement dub. Nous avons rajouté en studio les effets, les échos et les réverb’. » Le dub est donc avant tout un état d’esprit, une manière de malaxer le son plus qu’une technique ou un genre musical même si la matrice reste, encore et toujours, le reggae. Si Zenzile a su se réinventer, c’est en se confrontant à d’autres artistes tels que Vincent Segal (musicien de M), Tricky, Femi Kuti et surtout la poétesse anglaise Jamika : « Elle devenue un membre à part entière de Zenzile, d’ailleurs elle s’est installée à Angers. » Jamika, dont le chant s’est considérablement enrichi, peut aujourd’hui lorgner vers le spoken word (poésie chantée) , la pop ou le hip-hop : ce qui enrichit un peu plus la diversité musicale du groupe.

Jurrasic dub : Zenzile les derniers rescapés ?

Depuis l’émergence dub à la française, au milieu des années 1990, les acteurs de cette scène se sont faits plus discrets ; la mort de l’un de ses pères fondateurs Manutension (« Improvisators Dub ») en 2009 est peut-être le point d’orgue. Les Zenzile sont-ils les derniers dinosaures du french dub ? : « Nous traiter de dinosaures à moins de 40 ans, c’est dur ! Répondent-ils. Nous avons toujours été un groupe médian. On est basé à Angers donc un peu seuls dans notre coin à produire ce genre de sons. On peut plus parler d’une scène dub lyonnaise (High Tone, Kaly Live Dub). Nous, nous sommes toujours un peu à part !».

Impossible de ne pas évoquer avec Zenzile le dubstep comme la énième mutation du reggae : « Tous les 2 ou 3 ans, les Anglais inventent un style de dub plus club. Après la jungle voilà le dubstep ! Nous, on aime plutôt bien ça mais le problème est de retranscrire cette musique en live avec de vrais instruments ! » Si les Zenzile nous montrent une nouvelle voie à emprunter pour le dub (dub pop ?), comment expliquent-ils l’incroyable pérennité de cette musique, née en Jamaïque et qui n’en finit pas de muter ? « Elle est elle-même un mélange de styles. Confessent le groupe. Le reggae a mis en évidence la prédominance de la basse/batterie (drum/bass) avant toutes les autres musiques : le funk, le hip-hop ou la techno. Et puis c’est dans le reggae que le rôle du producteur a pris beaucoup d’importance, autant, voire plus que les musiciens eux-mêmes. Enfin c’est en Jamaïque que le rôle du DJ s’est imposé. Toutes ces composantes sont essentielles aujourd’hui dans l’industrie musicale. C’est là-bas que tout est né ! »

Loin de rester sur les chemins balisés, Zenzile reste un groupe d’une étonnante modernité qui utilise l’Internet pour se tenir au plus près de son public et lui offrir des titres inédits (zenzile.com).

Si « Electric Soul » amène le Dub vers des territoires plus pop, Zenzile a décidé de ne pas oublier ses racines en proposant d’ici quelques mois une version Dub et remixée de cet album. Il en est en musique comme en chimie, rien ne se crée, rien ne se perd mais tout se transforme.

Willy Richer

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