The Nits. En avant l’Europe

Il est des groupes dont chaque sortie est un événement. Ce peut être des groupes de stade, Depeche mode, Radiohead ou U2 par exemple, ou des artistes moins reconnus mais tout aussi important : Les Nits font parti de cette seconde catégorie. Ils sortent leur 25e album, « Malpensa ».

Ce trio hollandais est à part : sa longévité, bien sûr, les place au-dessus de la mêlée mais c’est surtout la créativité de ses membres qui ne cessent de surprendre. Aucun album des Nits ne ressemble à un autre. Seul point commun : un sens mélodique hors du commun. Inspirés, à leur début, par la new wave, un folk précieux ensuite avant d’incorporer des teintes de jazz ou de classique au début des années 2000. Les Nits sont un exemple d’exigence artistique. Pour leur nouvel album « Malpensa », Henk Hofstede (chant), Rob Kloet (rythmiques diverses) et Robert Jan Stips (claviers) ont délaissé les guitares pour se replonger dans les machines.

Retour à l’électronique

L’originalité de « Malpensa » réside dans l’utilisation des machines et boîtes à rythmes. Électro-world, pop éthérée et symphonie épique sont quelques-unes des directions empruntés par le trio. Mais attention, ne vous attendez pas un album de musique électronique, mais plutôt à une utilisation – forcement subtile – des ordinateurs pour habiller leurs petits bijoux pop. Robert le designer sonore du groupe : « Nous avions déjà utilisé il y a plus de 25 ans les machines et nous voulions voir comment les choses avaient évolué. Je peux vous dire qu’il était beaucoup plus difficile de travailler sur des ordinateurs il y a vingt ans qu’aujourd’hui où tout est assez simple. L’écriture de Henk doit du coup s’adapter. C’est une manière aussi de se renouveler… » Henk, le leader explique qu’avant chaque enregistrement les Nits décident d’une direction à prendre : « Généralement, nous réfléchissons d’abord aux instruments que nous allons utiliser mais pour cet album nous avons réfléchi en terme de lieux. Les derniers EP ont été produits dans notre studio d’Amsterdam et nous voulions sortir de cette routine. Nous avons donc trouvé ce vieux château en Italie où six chansons ont vu le jour. « Malpensa » est un clin d’œil au nom de l’aéroport milanais ».

Europe et politique

Si un jour l’Europe devait choisir un groupe pour composer son hymne, les Nits pourraient être en tête de liste. Ces Beatles hollandais sont le pur produit d’une vieille Europe pétrie de culture et d’histoire. On trouve dans chacun de leurs albums des allusions à la politique : « On parle de politique bien sûr, Five Fingers évoque la révolution égyptienne, Schwebebahn la visite historique de Kennedy à Berlin en 1963, mais nous mélangeons toujours la poésie et la politique. Nous sommes des musiciens avant tout, mais la politique fait partie de notre vie à tous, elle façonne notre environnement ! » Dans Bad government and its effects on town and country, morceau de bravoure de près de 8 minutes qu’auraient pu interpréter Noir Désir ou Manu Chao, les Nits reviennent sur les dégâts du libéralisme. Ici, pas de guitares saturées ni pancho sud américain mais une ballade très « doorsienne » avec son moog entêtant et sa trompette baroque : « Bien entendu je parle dans ce titre de la Hollande qui a beaucoup changé ces dernières années, poursuit Henk. La culture est devenu le parent pauvre de notre pays. C’est un tableau du xive siècle qui m’a inspiré : il porte le titre de la chanson et on se rend compte que depuis 700 ans la politique peut toujours avoir des effets dévastateurs sur les sociétés. Ce titre sera d’ailleurs remixé par deux DJs hollandais car il nous semble important de travailler aussi avec de jeunes artistes qui peuvent s’emparer de ces thèmes. »

Et la jeunesse dans tout ça ?

Avec une moyenne 60 ans, la jeunesse ne se résume pas à une question d’âge ! Et d’ailleurs pour un groupe qui accuse une telle longévité, quel conseil donneraient-ils aux jeunes musiciens ? « Il faut faire très attention ! Je regarde parfois en Hollande The Voice ou des émissions de télé crochet et je me dis souvent que ces jeunes chanteurs ne sont qu’une partie d’un format imposé par les chaînes, résume Henk. Si ces musiciens en herbe sont d’accords avec Andy Wharol qui déclaraient « que tout le monde aurait droit à son quart d’heure de célébrité dans les années à venir », alors pas de problème : ils seront célèbres quelques instants pas plus, mais si vous envisagez une véritable carrière alors il vaut mieux éviter ce genre d’émission. »

Willy Richert