Half Moon Run : Sun Leads Me On

Leur magnifique premier essai « Dark Eyes »était un diamant de bonheur et de nostalgie dont le précieux s’est transformé en disque d’or. Autant dire combien le trio canadien de Half Moon Run était attendu au tournant pour ce second volet. Et en fait de tournant, il s’agit d’un virage. Les degrés n’en sont pas à un tête à queue spectaculaire, mais la manœuvre est suffisamment notable pour nous coller dans un premier temps au siège sans bien comprendre ce que l’on entend. On peine même parfois à les reconnaître, perdu dans une jungle de genres, une cohésion discutable de l’ensemble. « Sun Leads Me On »s’avère encore plus varié que son prédécesseur, troquant la folk indé contre une pop plus commune. L’ensemble est plus analogique, plus dense, plus brutal. Il est même des titres qui échappent à toute compréhension, comme cette plage d’une cinquantaine de secondes (Throes), instru classique au piano qui fait plus cheveu sur la soupe qu’interlude. Ou ce Trust final, électro pas très heureux pour dance floor molasson. Et tout du long, cette impression d’avoir perdu de la délicatesse au bénéfice de l’efficacité.
Mais fort heureusement il y a encore chez Half Moon Run un vrai talent et une beauté imbattable. Devon Portielje reste sur la plupart des morceaux un cascadeur vocal impressionnant, sachant insérer l’intention dans la moindre fêlure, suivant des sinuosités dont peu de chanteurs peuvent se vanter. Le travail rythmique porte à l’ossature une marque au fer rouge. Certaines chansons (dont le titre générique) bouleversent de pureté. Et toujours ce travail d’orfèvre qui taille, ajuste, dose et résonne à chaque seconde. On ne tombe pas sous le charme de « Sun Leads Me On »comme on avait fondu immédiatement sous « Dark Eyes », mais dans cette entrée plus difficile et ces malentendus se cache malgré tout l’un des beaux albums de cette fin d’année. Un trésor qu’il faut trouver en creusant.

Marjorie Risacher

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Half Moon Run – Turn Your Love

Crédit Photo : © Yani Clarke