dEUS surprise

Huit mois seulement après le précédent, Le groupe de rock belge, pourtant reconnu pour être constitué de fignoleurs aimant prendre leur temps, a déjoué tous les pronostics en annonçant un nouvel album de dix titres.

« Following sea », puisque c’est là le nom de ce disque inattendu, a de quoi étonner les aficionados à plus d’un titre. Il n’aura certes pas fallu attendre les trois ou quatre ans habituels pour voir la production de dEUS s’accroitre d’un septième album. Tom Barman, le chanteur et leader de la formation a d’ailleurs accompagné sa sortie d’un communiqué officiel expliquant : « Nous avions des chansons que nous ne voulions pas perdre, que l’on ne voulait pas voir sur une étagère pendant quatre ans, nous avons donc décidé de rompre avec notre manière de travailler et de terminer les chansons rapidement avant de les rendre publiques. » Se bousculant eux-mêmes dans leurs habitudes, s’imposant l’immédiateté de l’ère du web, les Belges ne laissent pourtant pas l’impression d’un disque fait à l’emporte-pièce. « Following Sea » est assurément inégal mais « la cerise sur le gâteau » qu’il constitue est un tel plaisir en soi qu’il serait bien injuste de leur en vouloir.

Voyage multicolore

Constitués de titres nés récemment et d’autres écartés du précédent « Keep You Close » car jugés trop « pop » et pas assez mélancoliques, « Following sea » en sort plus lumineux et éclectique. Passant d’une ambiance incisive et électrique, à une autre électronique et dansante, pour enchaîner parfois sur le grave et le mystère, le voyage est multicolore. C’est à priori la raison pour laquelle cet album a été nommé ainsi, et selon Tom Barman, outre les termes liés à l’aquatique, la navigation, la mer, récurrents dans les paroles, il s’agirait d’une promenade à travers l’Europe. Enregistré en partie entre plusieurs dates de la tournée précédente, il bénéficierait des différentes influences des déplacements du groupe comme Sirens à la rythmique espagnole.

dEUS en français

L’autre étonnement, et non des moindres : le premier single, Quatre mains, titre également mis en ouverture d’album, est écrit et chanté en français. Une première pour dEUS (si on fait exception d’une reprise du Poinçonneur des Lilas de Gainsbourg en 2004 de Tom Barman avec son compatriote Guy Van Nueten). Parfaitement trilingue, Tom Barman n’avait jamais osé l’exercice jusque là. Et il s’en sort brillamment. Sur une base instrumentale qui semble très inspirée d’un titre que le groupe jouait en concert sans jamais l’avoir enregistré (Paper Bones), le chanteur place un texte mystérieux rempli de tournures de phrases et de métaphores. Son phrasé impeccable s’octroie même le droit de faire du « spoken », parlé-chanté dont il nous avait déjà gratifié et qui est cette fois très présent tout au long de « Following Sea ».

Rien ne nous laisse prédire qu’à l’avenir dEUS nous servira encore des albums aussi rapidement avec une utilisation de la langue de Molière. Mais la surprise fût totale cette fois. Un peu comme quand on rentre chez soi et que des amis attendent derrière la porte avec un buffet préparé de leurs mains. Parce que si « Following Sea » ne restera pas un album majeur du groupe, il est tout de même un joli cadeau.

Marjorie Risacher

L’homme éclectique

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