BBK Live 2012. Festival de feu à Bilbao

C’est officiel, le festival de Bilbao figure désormais parmi les plus importants en Europe : 110 000 personnes se sont rendues à l’édition 2012 tout juste achevée ce dimanche 15 juillet au petit matin. Il faut dire que les organisateurs se sont donnés les moyens d’un prix d’excellence avec trois scènes réparties sur un site à faire rêver et une programmation de très haute volée : The Cure, Radiohead et Garbage. Trois jours de folie et de musique.

Le festival de Bilbao se mérite : niché dans les montagnes surplombant la ville basque espagnole, il faut pouvoir monter jusqu’à lui. Et ça grimpe sévère. Après la danse des bus, des navettes et des marcheurs, il y a tout autour du parc de Kobetamendi, l’ère des tentes plantées par milliers. De guingois dans les pentes ou en équilibre au bord des précipices, peu importe, leurs jeunes propriétaires comptent bien s’accrocher à leur ville éphémère pendant les trois jours qui viennent. Et tout est prévu pour eux à l’intérieur du site. Il y a dès l’entrée des alignements de stands de nourriture que l’on paie avec une monnaie spécialement fabriquée pour le festival, faite de billets à l’effigie des artistes passés les années précédentes et de pièces en forme de médiators. Des vendeurs ambulants de bière au litre se déplacent chargés de leurs énormes bombonnes sur le dos. Les buvettes classiques déroulent de longues files d’attente dans lesquelles des festivaliers grimés ou costumés donnent de la voix formant un joyeux chœur de langues européennes. Il n’y a pas de doutes, ils sont prêts à affronter les soixante concerts prévus et les nuits interminables de danse et de mixs.

Jour 1 : The Cure

Au premier soir, The Cure est le nom du feu d’artifice. Et la surprise de taille va naître d’un imprévu. Le concert prenant une heure de retard sur le programme suite à un incident technique (un problème de claviers), Robert Smith monte sur scène, seul, et décide de faire patienter le public. Un moment rare et fort d’entendre l’Anglais en mini session acoustique, simple guitare-voix, devant plus de 30 000 personnes. Trois titres offerts dans ce plus grand dénuement (Three Imaginary Boys, Fire in Cairo et l’hymne Boys Don’t Cry) et cette impression de moment privilégié que le public boit comme du petit lait. On en vient même à regretter que les défaillances à l’origine se règlent. Le chanteur interrompt donc la magie : « Je crois qu’il faut que j’aille chercher le groupe maintenant. C’est pour ça que ça s’appelle The Cure et non Robert Smith ». S’ensuit un set qui du coup paraît plus fade mais où le groupe ne boude pas son plaisir, ni celui de ses fans. Une longue autoroute de leurs tubes, une traversée de trente ans de souvenirs qui fait visiblement l’effet d’une madeleine de Proust sur la quasi-totalité des personnes présentes.

Jour 2 : Radiohead

Le lendemain, vendredi 13 juillet, a été le jour du record absolu de fréquentation pour le festival depuis ses 6 ans d’existence : 40 000 personnes présentes. Il faut dire que, juché au sommet de la programmation, figurait Radiohead. Les Anglais, endeuillés depuis un mois par la perte brutale d’un de leur technicien dans l’effondrement du toit de leur scène à Toronto, avaient dû annuler plusieurs dates de leur tournée. Un drame qui a sûrement provoqué un déplacement de dernier moment de nombreux fans privés de leurs concerts. Et ils en eurent pour leurs yeux et leurs oreilles.

Sur un écran géant, divisés en huit vignettes, défilent en temps réel tous les membres du groupe qui se sont vus adjoindre les services de Clive Deamer (batteur de Portishead). Deux batteries donc, plus un set plus léger de percussions que Colin Greenwood rejoint, c’est ainsi que démarre plus d’une heure trente de concert qui a toutes les apparences d’une messe. Pour les aficionados en tous les cas, ceux qui jubilent les yeux parfois fermés, exultent à chaque démarrage d’un nouveau titre et se taisent religieusement pour la moindre note. Mais évidemment il y a les autres, un tantinet déçus d’avoir une set-list essentiellement (et logiquement) composée des deux derniers albums, regrettant, dans une plainte sans fin, qu’ils ne jouent pas plus de morceaux du célèbre « OK Computer » d’il y a quinze ans. Et qui les demanderont dans quinze ans encore. Pourtant, Radiohead dans un élan inattendu leur a servi un inespéré Karma Police qui a fait hurler tout le site et un somptueux Paranoid Android pour bouquet final.

Jour 3 : Garbage

Le dernier jour a été celui de Garbage, avec une Shirley Manson bavarde, détendue, énergique. Elle remercie la jeune anonyme qui vient de lui déposer une robe à l’accueil de son hôtel, lui dédicace un morceau, échange continuellement, donne de la voix, du corps, se démène. Là encore l’effet madeleine de Proust est immédiat sur les jeunes trentenaires. Signant son retour avec un nouvel album peu convaincant, le groupe, pas bégueule, offre une longue litanie de ses tubes d’antan. Et le festival s’achève sur une piste de danse de plus de 32 000 personnes qui chantent, sourient et fêtent dignement la conclusion de trois jours de plaisir.

Ils sont donc nombreux à être rentrés avec des cernes et des images plein la tête. Et à l’image de ces jeunes françaises croisées à l’aéroport du retour, ils doivent être quelques uns aussi à se promettre « On ne connaissait pas, et on reviendra ! Vive Bilbao ! »

Marjorie Risacher