MY WAY, histoire d’un succès planétaire

 

Jouée toutes les 8 minutes dans le monde, popularisée par Frank Sinatra, My Way est plus qu’une chanson, c’est un hymne qui s’est imposé comme une partie de nous-mêmes et s’est inscrit durablement dans l’histoire de la musique, traversant les époques, les frontières et les générations. Pourtant, beaucoup ignorent que son histoire commence durant l’été 1967 avec une mélodie originale française, avant d’arriver outre-Atlantique vers celui qui allait en faire une légende.

C’est cette histoire incroyable que nous raconte le film documentaire My Way, présenté à Cannes en mai dernier et à découvrir à la rentrée sur Canal+. Narré par Jane Fonda, tel un biopic, ses réalisateurs Thierry Teston et Lisa Azuelos se sont penchés sur la naissance de cette chanson mythique entrée au Panthéon de la culture pop.

Bien sûr on a l’impression que My Way a d’emblée été écrite pour Sinatra. Pourtant c’est en France, en 1967, qu’elle trouve ses origines, avec le compositeur Jacques Revaux (lui-même monument de la chanson française aujourd’hui) auquel l’éditeur Norbert Saada avait passé commande de quatre musiques. En vacances à Megève, le jeune compositeur alors âgé de 26 ans, se rend compte qu’il n’a toujours pas honoré sa commande, qu’il doit remettre le lendemain… Allongé sur son lit, une guitare en main, en deux heures il va composer les mélodies.

Dans cette période des années 60, les artistes francophones enregistraient majoritairement des chansons en provenance d’Angleterre ou des États-Unis. Norbert Saada décide alors de faire enregistrer les maquettes des musiques à Londres, et contacte un jeune auteur inconnu pour écrire les textes, un certain Jones. Sur la musique de la future My Way, ce dernier propose un texte (que les producteurs ne retiendront pas par la suite) intitulé « For me ».

Une fois les maquettes enregistrées, Jacques Revaux propose sans succès la chanson à Hugues Aufray, Petula Clark, Michel Sardou ou encore Dalida. La trouvant extrêmement mauvaise Claude François la refuse également, mais Jacques Revaux insiste. Par un après-midi d’été de 1967, au bord de la piscine de son hôtel particulier, Claude François réécrit le texte initial avec le parolier Gilles Thibaut, s’inspirant de sa récente rupture sentimentale avec France Gall, et plus globalement de la routine du quotidien dans la vie de couple. Jacques Revaux écrit le couplet, Claude François le prolonge et compose le refrain-pont, et Gilles Thibaut signe le texte.

Comme d’habitude est née, et avec elle le premier jalon de la légende. Le documentaire nous montre alors la similarité à cette période des destins de Claude François et de Frank Sinatra : tous deux viennent d’être quittés par une femme (Ava Gardner pour Sinatra), et c’est cet échec amoureux qui va les amener à incarner cette chanson, qui va devenir mythique. Deux colosses de la chanson, deux histoires d’amour contrariées, une chanson !

En effet, avant d’arrêter sa carrière Sinatra souhaitait faire un dernier album. Paul Hanka, chanteur et compositeur américano-canadien, en vacances alors en France, entend Comme d’habitude à la radio. Fasciné par la mélodie, il en achète les droits pour la proposer à celui qu’on appelle alors « The Voice ». Sur la musique de Jacques Revaux il rédige une adaptation sur un thème narratif différent, avec Sinatra pour modèle, une sorte de regard rétrospectif sur la vie d’un homme mûr et pensif qui affirme, à propos de chacun des faits marquants de son existence : « I did it my way » (« J’ai fait ça à ma manière, comme je le voulais »). Le 31 décembre 1968 Sinatra enregistre la chanson, plus rien ne pourra désormais arrêter le cours de l’histoire.

My Way devient rapidement un hymne de la liberté individuelle et de la détermination à suivre son propre chemin, sans regrets, malgré les critiques ou les obstacles, et l’une des chansons les plus reprises de tous les temps. Elvis Presley, Mike Brant, Tom Jones, Robbie William, Sid Vicious, Luciano Pavarotti, les Sex Pistols, Nina Simone, Céline Dion…, la chanson évolue au fil des époques et des goûts. On compte aujourd’hui plus de 1 300 adaptations par 570 artistes du monde entier.

Pour le documentaire, c’est à Clara Luciani que les réalisateurs ont demandé sa propre interprétation de la chanson. Un choix aux résonnances particulières, sachant que cette dernière a été harcelée pendant son adolescence, et que sa carrière actuelle sonne comme une revanche sur son douloureux passé. Les paroles de la chanson prennent avec elle un sens tout particulier, preuve que cette chanson mythique n’a pas finie de traverser les âges et de nous interpeller…