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A travers une série d’interviews, RIFFX met à l’honneur 12 femmes artistes qui sont passées par le Chantier des Francofolies entre 1998 et 2021. Ce dispositif unique, destiné à des artistes émergents de la chanson francophone, a pour but de perfectionner leur art de la scène. Après Raphaële Lannadère et Blandine Rinkel, place à November Ultra aka Nova, nouvelle artiste à la voix angélique et au songwriting merveilleux, dont le premier album est d’ores et déjà le plus attendu des prochains mois. De sa chambre aux plus belles scènes de l’hexagone, ce n’est plus qu’une question de temps. Rencontre.
J’ai sorti en novembre 2020 mon tout premier morceau solo, Soft & Tender, et je m’apprêtais à sortir le deuxième très vite après. Ça fait aussi deux ans que je travaille sur mon album et même si on vit une période très étrange et qu’on s’interroge parce que tout est très flou, travailler le live c’était clairement l’étape d’après. Le Chantier des Francofolies, finalement, c’est un peu synonyme d’espoir quelque part. En tant qu’artistes émergents, cela permet de se projeter sur la suite, d’avoir des gens qui nous encadrent, qui nous guident et avec lesquels on peut travailler. J’avais commencé à travailler mon live et là je suis sélectionnée, les étoiles se sont alignées.
J’ai toujours voulu faire de la musique et en même temps j’étais très timide. Je chantais tout le temps, je pense que j’étais assez embêtante pour ma famille (rires) et que c’est sûrement pour ça qu’ils m’ont mis au conservatoire. Ils ont été très patients. J’ai fait 11 ans de piano classique, ma mère me répétait souvent : « Tu es fille d’ouvriers, les enfants d’ouvriers ne deviennent pas artiste ». Il y avait une réalité dans cette phrase qui faisait que je ne m’autorisais pas trop à rêver d’en faire mon métier, mais c’était plus fort que moi, j’aurais pas pu faire autre chose et là encore les étoiles se sont alignées. J’avais fait un pacte avec ma mère : si j’obtenais un diplôme de type master, elle me laissait faire de la musique. Et c’est ce qui s’est passé. J’ai rencontré Clément Roussel et Benjamin Porraz pendant mon stage de fin de master avec qui on a formé le groupe Agua Roja. Notre morceau Summer Ends sorti en 2013 a pris tout de suite alors qu’il n’y avait rien derrière, on l’avait fait pour s’amuser, on s’est retrouvé dans plusieurs médias. Très vite on a enchaîné, on a sorti deux EPs. Pour moi, ce groupe c’était un peu le préquel de ce que je fais maintenant. Toutes les bases et les connaissances que j’ai, ça vient de ces années avec Agua Roja où j’ai tout appris : mes premières scènes, mes premiers studios, découvrir l’industrie musicale…
C’est assez simple : je suis née en novembre, donc « November ». Ma théorie est qu’il n’y a que les gens qui sont nés en novembre qui aiment ce mois-là. Il se situe entre Halloween et Noël, ça plait à personne (rires), alors que je me suis toujours beaucoup reconnu dans ce mois. On l’associe à l’automne et à la mélancolie. Quand j’ai commencé Agua Roja, j’ai pris la décision de dissocier le moi intime et le moi de mon métier, j’ai donc choisi November comme pseudo. Quand j’ai démarré mon projet solo, il y a eu cette idée de petite évolution, comme un Pokémon, et il y avait cette mixtape de Frank Ocean que j’adore : Nostalgia, ULTRA. C’est clairement un clin d’œil à cette mixtape qui a été incroyablement importante pour moi. En l’écoutant, je me souviens m’être dit qu’il y avait de la vie, cette idée de théâtre, de casser le quatrième mur. Quelque chose que je fais dans ma musique, avec la volonté que les gens aient l’impression que je suis un hologramme et que je chante dans leur chambre. Nostalgia, ULTRA, c’était la musique que je voulais faire. Et puis novembre = nostalgie, ça avait du sens.
Il y a vraiment cette idée de ne pas faire de coupure entre le studio et la vie, d’autant plus que j’ai beaucoup joué Soft & Tender, pour certains, dans ma chambre et dans mon appart vu qu’on était en confinement numéro deux quand il est sorti, c’est comme ça aussi qu’il est arrivé aux oreilles des gens. On pourrait dire que c’est de la « bedroom pop » du fait que c’est l’endroit où ce morceau-là est né. Par exemple, y a une grosse différence entre le premier et le second couplets dans ma voix, j’ai enregistré le premier un samedi, et le second le lendemain, le dimanche avec ma voix du matin, d’où la blague « i really love your morning voice ». Je ne recherche pas la perfection dans l’exécution mais plus dans le sentiment. C’est là-dessus où je trouve que la bedroom pop correspond assez bien à ce que je fais. C’est très DIY. Ma patte sonore finalement, ce sont mes éléments de vie : par exemple le piano un peu vieux et désaccordé chez moi, il n’y en a pas un autre qui sonne comme celui-là, j’ai tellement l’habitude de jouer dessus que je joue mieux que sur n’importe quel Steinway. Je vais aussi toujours enregistrer avec mon iPhone car je trouve le micro assez dingue, et ça fait une espèce d’effet lo-fi, un peu sample, dès que tu le mets dans l’ordinateur. C’est beau. C’est un peu comme ça que je définirais ma musique.
C’était incroyable, ça m’a fait sortir de ma zone de confort parce que j’ai dû un peu jouer la comédie et psychologiquement, c’était assez bluffant l’impact que ce genre d’exercice peut avoir sur notre rapport à notre corps. Tu te rends compte d’un coup que ton enveloppe corporelle te sert à quelque chose d’autre que juste être toi, que c’est au-delà du beau, c’est être juste. J’ai trouvé ça assez fascinant. Sinon, il faisait incroyablement froid (rires) ! Il a beaucoup plu et même neigé, ce qui est drôle quand on regarde le clip parce qu’il a l’air de faire grand soleil. C’est la magie de Zite et Léo qui sont des réalisatrices et réalisateurs incroyables avec une vraie patte, que ce soit dans l’esthétique ou dans les scénarios. Ils ont eu l’idée de cette histoire d’amitié entre cette abeille-marionnette et moi et au moment de faire les mood boards, on s’est rendu compte qu’on avait tous les trois cette même passion pour certaines comédies musicales et ces esthétiques colorées et très marquées, mais aussi pour les émotions pures que peuvent procurer ces films qui nous suivent souvent de l’enfance à l’âge adulte. Ils ont réussi à mettre ça dans le clip, c’est trop précieux. C’est effectivement poétique, drôle, décalé et émouvant. J’avais un peu peur du retour des gens par rapport au parti pris du clip, mais au final les réactions sont adorables. Les gens ont aimé, compris et été émus. Ça me rend heureuse (rires).
Et il n’est pas loin d’être prêt, promis. J’espère qu’il pourra sortir en novembre mais avec le contexte, on apprend à être souple (rires), on doit s’adapter à tout ce qui se passe. Ce que je peux en dire, c’est qu’il y aura 11 titres. Il faut s’attendre à tout et à la surprise. J’avais peur que les gens soient déçus quand j’ai sorti Miel parce qu’il est un peu différent de Soft&Tender mais je ne voulais pas faire un bis repetitia. J’ai une multitude de musiques en moi, avec lesquelles j’ai grandi, des musiques qui m’ont bâtie, que je chante, que je fais… Après je pense avoir un ADN assez fort pour que tout devienne ma musique. J’ai très hâte qu’il sorte.
« J’ai écrit pour », je trouve la phrase trop simple, c’est plutôt « avec » et au service de la personne en face. Par exemple Barbara Pravi écrit tout, elle compose, elle est artiste a part entière, elle sait tout faire. Je me suis retrouvée à faire la mélodie d’un refrain sur son EP Pigalle parce qu’elle n’avait plus d’inspi, qu’on est amies et que j’étais en studio. J’ai chanté un refrain et il s’avère qu’elle l’a gardé. Mes amis de Terrenoire, c’est très différent, c’est plus une sorte de travail de direction artistique, une vision extérieure. Raph et moi, on est amis alors on se fait écouter nos démos. C’est méga précieux de pouvoir s’aider, de se donner des avis pertinents et constructifs, d’avoir une oreille extérieure en qui on a pleinement confiance. Il y a un côté couteau-suisse. Dans tous les cas, c’est un travail que j’adore faire, avec plein d’artistes de genres différents. Ça t’apprend aussi sur toi-même, c’est inspirant. Les vases communicants sont assez incroyables : on travaille ensemble, on s’aide et on s’inspire. C’est très enrichissant. Et Jaden, c’est une longue histoire mais assez simple au final : on s’est croisé en studio quand il était à Paris, il m’a proposé de m’amuser sur une interlude et moi qui adorait son premier album Syre, je me suis retrouvée sur Erys. La boucle était bouclée, encore une fois les étoiles bien alignées.
C’est une question très vaste avec des réponses tiroirs et plein de choses à régler. Des choses qui malheureusement ne se règlent pas en une question-réponse. Déjà, il y a des problèmes de racine, c’est-à-dire : Qui signe ? Qui devient ton directeur artistique. Qui te donne ces chances-là ? Quel contrat on te propose, quels crédits, quels taux. Très honnêtement, je pense que si on mettait le nez dans les contrats qu’on propose à des artistes féminines par rapport à des artistes masculins, il y aurait une différence d’argent et de pourcentages assez conséquent. Malheureusement, il y a encore trop peu de femmes à des postes décisionnaires dans les labels, ça change petit à petit, mais c’est sûr que ça influe sur le reste car quand un homme signe une artiste féminine ou s’occupe de la DA, il y a souvent, je trouve, des visions biaisées. C’est comme ça. Après, il y a la partie studio, quand tu ne connais personne au début, c’est un univers qui reste très masculin. C’est pas forcément négatif, mais faut juste avoir conscience que le prisme de tout ce qu’on voit et de tout ce qu’on fait passe forcément par ces mains-là et ces oreilles-là et que quand tu débutes et que t’es pas encore très solide sur tes pattes, sur qui t’es, ce que tu veux dire etc… ça peut être difficile parfois de pas se perdre. Il y a des plus en plus de productrices, ingénieure du son, de mixe et c’est génial, ça fait beaucoup de bien, mais c’est long et ça prend du temps. Quand j’ai commencé à être en studio et à beaucoup écrire pour les autres et pour moi-même, on était finalement assez peu de femmes et on nous faisait ressentir cette compétition, et je pense que c’était le cas aussi entre artistes féminines. Ce truc de dire : « Sois bien heureuse, tu es la seule femme ». Puis les murs sont un peu tombés quand on en a parlé entre nous. C’est là que c’est devenu salvateur, dans la transparence. Ça nous a interrogées sur ceux à qui ça profitait que l’on soit en compétition, les gens qui se font de l’argent parfois en détruisant la confiance que l’artiste a en elle-même, parce que c’est une façon aussi de nous tenir en nous disant : « Tu vois elle, elle est plus mince, elle est plus drôle, elle est plus élégante, elle a plus followers, c’est pour ça que ça marche et que toi, non » etc. Je crois que petit à petit, on arrive de mieux en mieux à s’adouber de ça, justement parce qu’on parle entre nous. Les mots sont importants. La représentation est importante. Il ne faut pas hésiter à dire « je suis productrice » « je suis musicienne », même si on débute. Par exemple, je fais encore plein de bêtises sur Ableton mais n’empêche que Soft & Tender c’est moi qui l’ait arrangé, c’est moi qui l’ait produit. Une partie de Miel c’est moi aussi et je trouve important d’avoir ces statuts-là, ces crédits-là, ce respect du travail, de nos qualifications, de salaires. Faut pas en avoir peur ou en avoir honte. C’est trop important de plus subir.
C’est finir le mix de l’album, travailler le live. Je pars au Chantier des Francofolies pour ma session fin avril donc ça approche, j’ai hâte. Et puis penser à la suite musicalement : qu’est-ce que je sors ? Quelle est la prochaine pièce du puzzle ? Avant l’album, j’ai envie de sortir un petit vinyle, on planche sur ça avec mon équipe. En parallèle de l’album et du live, j’aimerais sortir des petits goodies, filmer des choses et puis créer de la musique et continuer de m’amuser, tout simplement.
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