We Were Evergreen, l’interview

We Were Evergreen offre une pop délicate aux bulles multicolores. Fabienne, Michael et William forment ce trio français vivant désormais outre-Manche et font preuve d’une sacrée maturité malgré leur jeune âge. Des rythmes jamaïcains aux guitares hypnotiques, des sensations folks aux harmonies vocales, chez eux tout se mélange allègrement dans une cohésion étonnante. La fraîcheur et la classe du premier album « Towards » tombent à pic pour dessiner un été musical sur le mode indé, et l’on ne va pas s’en plaindre.

Vous existez depuis 2008, autant dire que vous avez pris le temps pour faire ce premier album…

En fait il y a eu deux époques dans notre vie ce qui a sûrement retardé les choses. D’abord on est resté pendant plus de deux ans à Paris et ensuite on a eu l’opportunité de jouer en Angleterre et de s’y installer. Du coup on a recommencé là-bas ce qu’on avait entrepris. Puis on voulait faire les choses vraiment bien. Au final aucun de nous regrette d’avoir autant attendu, on est arrivé à un son qu’on a réellement envie de défendre.

Vous aviez sorti des EPs auparavant. Cette fois le travail était à penser dans la longueur, à une narration sur tout un ensemble…

C’était très intéressant de pouvoir le faire parce que, justement, les EPs étaient très frustrants. D’avoir le temps, de concevoir les choses avec cette donnée, penser à une cohérence, tout cela était vraiment une chance. Et cela nous a permis de faire un point et de choisir un son. Mais la réflexion autour de l’album a été pensée pendant sa conception, pas avant. Il se trouve que les titres qu’on avait le plus envie de garder étaient non seulement les plus récents, mais aussi les plus cohérents.

Towards signifie « vers ». C’est la notion de mouvement, de direction qui vous plaisait dans ce titre ?

C’est une idée d’aller quelque part, sans que cela soit obligatoirement en avant ou en arrière. On a toujours eu quelque chose avec le mouvement, le voyage… On a sûrement l’idée inconsciente de ne jamais être satisfait de là où on est. Et c’est vrai que dans les thèmes, il y a un peu cette obsession de mouvement. Même la stagnation est une boucle continuelle : c’est tourner en rond. Et là aussi, il y a un mouvement. Mais ce n’est pas que dans nos textes, c’est vrai aussi dans le choix de nos instruments, dans la façon dont on construit les chansons. Comme on est parti sur des bases live, il y avait constamment cette idée de progression sur des structures posées.

L’étiquette pop que l’on vous donne vous va très bien, c’est un terme qui vous permet d’aller où vous voulez. Il n’y a pas de limite dans les mélanges ?

C’était même un problème au départ puisque qu’on ne s’en fixait pas. On a réussi avec cet album à garder une ouverture la plus large possible tout en sélectionnant les instruments, les sons, les rythmiques. Comment choisir, quand mettre les choses, quand est-ce que tout cela était bienvenu, arrêter de vouloir tout mettre… L’ouverture et la pertinence à la fois. Et puis, dès le début du groupe, à chaque fois que l’on sentait qu’on se dirigeait dans un genre défini, on inventait quelque chose pour en sortir. Aucun de nous n’a envie de se retrouver dans une case, on s’ennuie très vite. Puis on s’est laissé surprendre aussi. Quand on a fait Belong par exemple, il manquait quelque chose sur le deuxième couplet et, en essayant des percus, le son sorti sonnait comme des castagnettes de tango. Et on s’est dit que c’était drôle, que c’était ça qui manquait. Mais en aucun cas on a calculé qu’il fallait une touche de tango à un moment donné.

C’est étrange parce qu’en écoutant votre album on a une impression de minutie bien plus que d’accidents de studio.

Il y a un mélange de réflexion et d’instinct. Sur cet album on s’est confronté à l’épreuve de se mettre à trois et de voir ce qu’il en sortait en essayant des titres que l’on n’avait jamais joués. Jusque-là on enregistrait en répétant ce que l’on faisait déjà en live, là ce n’était pas le cas. On s’est vraiment demandé comment jouer ces nouveaux titres tous les trois. Et de ces quelques prises sont nées les bases. Il y a un côté spontané sur lequel s’est greffé ensuite une réflexion. Il y a même parfois une part d’impro comme pour Dormant par exemple.

L’introduction de l’album qui dure 47 secondes, c’était de l’ordre de la volonté de départ ou justement cela fait partie de ces naissances plus spontanées ?

On voulait que l’album soit considéré comme un tout, une œuvre en soi et pas une collection de morceaux. Et avoir une introduction participait à ça. On a pensé aussi à mettre des interludes mais on a eu peur de trop charger. On ne devrait pas le dire en fait, mais il s’agit d’un instrumental de voix fait à l’arrache en répétition par William. Et ça devait être une partie de l’arrangement de Eighteen qui est le morceau de fin de la version de luxe. Finalement on s’en est débarrassé pour plein de raisons. On a rajouté aux voix une sorte d’ambiance avec de l’électro qui monte. Cela dit c’est dur de savoir si la présence de cette intro était réellement pensée ou pas. En fait on pourrait l’analyser aussi par « on vient de là » puisque qu’on attaque tout de suite derrière par ce qui est tout nouveau. Finalement cette introduction représente nos anciens morceaux.

Propos recueillis par Marjorie Risacher

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Crédit Photo : © Dan Korkelia