Tricky : Le retour de l’enfant prodige

Tricky a fait partie du meilleur groupe anglais depuis les Clash : Massive Attack ! Il a produit l’un des albums les plus riches de la musique électro de ces vingt dernières années : Maxinquaye. Il a collaboré avec les plus grands (Björk, Red Hot Chili Peppers ou PJ Harvey) mais aussi des groupes moins connus : Zenzile, Tool ou Terranova. Adrien Thaws est un artiste libre, inattendu et foncièrement honnête. Cet Anglais est capable de saborder un concert et d’offrir une prestation inoubliable le lendemain. Sa carrière lui ressemble ; après deux albums rock, il effectue un sublime retour en grâce en renouant avec ses racines (blues, électro) sur ce False idols.

Interview sans compromis dans laquelle il balance sur son ancienne maison de disques, Prince, et ces « fausses idoles » qui polluent le show-biz.

Ça y est on a retrouvé le Tricky de Maxinqaye ?

Pour mes derniers albums je n’avais pas la main sur le master final. Pour False idols j’ai décidé de créer mon propre label et de produire chaque seconde de cet album. J’ai tout écrit, tout mixé et tout enregistré seul. J’en suis responsable du début jusqu’à la fin ! Les mecs de Domino (NDR : son ancienne maison de disques) ne mettaient jamais leur nez en studio mais m’imposaient des directions qui ne me plaisaient pas, comme le mix final ou le choix des réalisateurs de mes vidéos. J’ai dit stop ! Je préfère ce que je suis maintenant !

Vous avez l’image d’un éternel bad boy, ingérable…

Je suis un mec normal mais il ne faut pas me marcher sur les pieds. J’essaie d’être le plus honnête possible. Quand tu es un musicien connu, tu es entouré de pollueurs et de parasites. Moi je ne veux pas être une star, juste quelqu’un d’honnête ! Je suis peut-être plus sensible que la moyenne. Dernièrement j’étais en Chine : avant le concert je quitte mon hôtel dans une énorme voiture de luxe et au coin de la rue je vois des enfants vendre des babioles. Ça m’a beaucoup affecté et le concert qui a suivi était empreint de ce sentiment. On ne peut plus se comporter comme des stars avec cette misère ambiante. De toutes manières, tout le monde se prend pour des stars aujourd’hui…

Ce sont les « Falses idols » (« fausses idoles ») que vous dénoncez ?

Exactement. J’ai croisé Prince l’autre jour à Los Angeles dans un club. Je vais au bar pour chercher un verre pour mes potes et là, un garde du corps me bloque le passage : « Tu peux pas passer, il faut attendre que Prince ait fini de danser ! ». Quel bouffon ! Faut jamais qu’il vienne me serrer la main celui-là ! C’est tout ce que je déteste dans ce f….g show business. »

Quel est le point commun entre Maxinquaye, album culte et False Idols ?

Tous les deux sont des albums innovants. Quand Maxinquaye est sorti, les gens n’avaient jamais entendu ce mélange de reggae, d’électronique, de rock et de soul. False Idols possède aussi cette originalité, cette force.

Qui est Francesca Belmont, cette artiste qui chante sur la quasi-totalité des morceaux ?

Elle est moitié Italienne, moitié Irlandaise. Elle représente l’inverse de ce show business que je déteste ! Elle n’a que 24 ans mais possède une maturité incroyable. C’est une vraie artiste. L’inverse de ces jeunes que l’on voit dans les téléréalités qui veulent être connus sans rien créer !

« False idols » fait penser à un album de blues du XXIe siècle.

Absolument. Je suis un bluesman ! Des tas de gens ont dit que ma musique c’était du trip hop ou des trucs du genre. Non. Je suis un artiste de blues, définitivement ! Tous les artistes que j’aime, Kurt Cobain, Billie Holiday, Public Enemy ont tous une vision assez noire et parlent directement au cœur des gens. C’est ma définition du blues.

Vous écrivez énormément pour les femmes. Pourquoi ?

Parce que mon écriture reflète mon côté féminin ! J’ai été élevé par ma grand-mère et ma grande tante qui étaient des femmes extraordinaires par rapport aux hommes de ma famille qui étaient tous des criminels. Donc pour moi les femmes sont des modèles ! Par exemple j’ai été longtemps avec Björk et ça ne se passait pas bien du tout entre nous ! Un jour elle me fait écouter My Funny Valentine de Chet Baker et j’ai eu un choc. Je me souviens encore de la robe qu’elle portait ce jour-là, du moment exact ! Voilà pourquoi j’ai repris ce morceau sur l’album. C’est une façon de m’excuser auprès d’elle, de lui dire que je n’étais pas quelqu’un de bien à cette époque. Je respecte tellement les femmes. Elles sont ma vie !

Propos recueillis par Willy Richert

La Masterclass de Vianney

La Masterclass de Vianney