The Dø. « Shake Shook Shaken » : une route bien sinueuse

Le duo de The Dø sort un troisième album étonnant et détonnant. « Shake Shook Shaken » porte tellement bien son nom qu’il secoue et fait trembler les corps, galette taillée en partie pour les pistes d’une danse à la fois branchée et indé. Un virage négocié avec force et sans trace de gomme.

Très loin du On My Shoulders qui les avait révélé en 2008 sur l’album A Mouthful, Dan Levy et Olivia Merilahti se sont engagés dans des contrées électro-pop que l’on n’attendait pas. Toujours curieux, expérimentaux et minutieux, ils ont largué la pop-folk d’un simple coup de boîte à rythmes et troqué les acoustiques contre des superpositions de synthé. Au début de l’album on s’y voit perdu en se cognant aux murs de nos repères, sans reconnaître rien sinon la voix particulière d’Olivia, toujours haut-perchée et apte aux étrangetés sympathiques. Caractérisé par un son très au goût du jour, le disque s’emballe jusqu’à un Despair, Hangover & Ecstasy qui devrait même ravir les fans de Hollysiz. C’est dire. Mais on ne peut s’empêcher de penser que, si le défi est réussi, l’intelligence musicale toujours indéniable et le plaisir incontestablement présent pour les amoureux du genre, l’ensemble ne survivra pas au temps et contient un caractère démodable à vitesse grand V.

Et au détour d’un virage…

Il faut attendre la seconde partie de Shake Shook Shaken pour retrouver des relents moins consommables et plus intenses. L’arrivée du titre Anita No ! est une source de soulagement soudain et la pierre d’angle qui nous fait étrangement comprendre toute la démarche de la première moitié du disque. C’est alors que l’on pardonne et que l’on réécoute, plus ouverts donc plus indulgents, moins étonnés mais plus admiratifs. La beauté de A Mess Like This rend soudainement l’album précieux et retire tout regret de la route prise par le duo. Et puis il y a cette fin extraordinaire, avec un Nature Will Remain cousu entre tendresse et lumière, et un Omen magistral aux murs de sons que l’on prend dans le ventre. Comme un pont qui nous dirigerait vers la suite. Parce qu’à n’en pas douter, la dance-floor particulière n’est qu’une île, une étape décalée sûrement nécessaire. La suite du voyage avec The Dø finira encore sur un tout autre continent dont on devine déjà les odeurs.

Marjorie Risacher

Découvrir :

The Dø – Despair, Hangover & Ecstasy

Crédit Photo : © Alice Moitié

Dave Aju : Black Frames

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