Shtar Academy : rap made in prison !

Attention, objet unique ! Pour la première fois, des prisonniers ont pu enregistrer un album de rap en collaboration avec les meilleurs artistes français : Tunisiano, Niro, Medine, Disiz, La Fouine, Ekoué ou Orelsan entre autres sont venus rapper avec trois prisonniers, Malik, Badri et Mirak. Riffx a rencontré Mouloud Mansouri, ancien détenu, initiateur du projet et Mirak, l’un des trois membres de la Shtar Academy, fraîchement libéré.

Comment est né ce projet et est-ce la première fois en France que des prisonniers enregistrent un album ?

Mouloud Mansouri : C’est même la première fois en Europe. C’est un projet historique dans le milieu carcéral et celui du rap. J’organise des concerts en prison depuis une dizaine d’années et je voulais en proposer un à la prison de Luynes, près d’Aix en Provence. Médine, Kery James, Cut Killer et Psy4 de la rime devaient s’y produire et j’ai imaginé que des jeunes incarcérés assurent la première partie. On a fait un casting de deux cents personnes, on en a choisi soixante pour n’en garder que dix. Les critères étaient la motivation et qu’ils ne soient pas condamnés pour des crimes. Ensuite nous sommes partis sur l’idée de faire un album : Malik, Badri et Mirak ont été choisi pour composer la Shtar Academy. Le projet était sur les rails !

Comment a réagi l’administration pénitentiaire ?

Mouloud Mansouri : « On était dans une bonne dynamique avec le concert. Ils nous ont dit ok assez rapidement. C’est la fin d’enregistrement qui a été très compliquée et même aujourd’hui ce n’est pas simple : l’administration ne communique pas avec les journalistes sur ce projet car c’est une première et ils ne savent pas comment l’appréhender. »

Justement est-ce un projet artistique ou un chantier de réinsertion ?

Mirak : Les deux. Depuis ma sortie de prison, je travaille avec d’autres rappeurs, j’ai des projets, je rencontre des journalistes… S’il n’y avait pas la Shtar Academy, je serai retourné au quartier et là, je ne sais pas comment ça aurait tourné. Entrer dans le circuit professionnel de la musique aurait été impossible sans la Shtar.

Mouloud Mansouri : Encore faut-il que le projet tienne la route ! Il ne peux pas y avoir de réinsertion sans un projet de qualité, et cet album, je le sais, est très bon. On a fait venir les meilleurs producteurs de rap français (Tony Danza, Cannibal Smith, Medeline, Blastat entre autres), des gens qui travaillent avec des artistes comme Booba, Rohff ou Diam’s. Je veux que cet album finisse aux Victoires de la musique !

L’administration a t’elle eu un droit de regard sur les textes !

Mouloud Mansouri : Au début du projet, on laissait les trois rappeurs s’exprimer totalement. Puis on leur a expliqué que l’administration jetterait un regard sur leurs textes. Il a alors été décidé de faire dire certaines choses aux artistes invités. Et au final, on a pu s’exprimer totalement.

Mirak : Cet album, ce n’est pas une valorisation de la prison, bien au contraire ! Ce n’est pas non plus un album sur les conditions de vie des détenus. Nous avons abordé des thèmes très différents comme ceux de la famille, des personnes qui soutiennent les types incarcérés (Le trajet) et même un titre où on se met à la place des matons (Chacun son rôle), thème jamais abordé dans le hip-hop. On n’est ni dans l’imaginaire ni dans la mythomanie !

Comment faire vivre ce projet maintenant ?

Mouloud Mansouri : Au départ nous ne voulions pas faire de concerts car Badri est toujours en prison. Mais, après beaucoup d’interrogations on a décidé de poursuivre l’aventure sur scène. C’est le petit frère de Badri qui va le remplacer. Nous allons nous produire dans des prisons, bien sûr, mais aussi dans un cadre « normal ». On a été approché par la Ministre de la culture et on attend beaucoup de son aide pour faire avancer les choses. Chaque projet qui sort de prison pousse un peu les murs !

Propos recueillis par Willy Richert

Découvrir :

Shtar Academy – Les Portes du Pénitencier (feat. Nemir, Nekfeu, Soprano & Alonzo (Psy 4))

Crédit Photo : © David Valteau

Dates de concert :

19 et 20 juin : Fête de la musique à la prison de Montpellier et Bézier.

Durant le moi de Mai : Centrale de Saint Maur

18 avril : L’original festival (Lyon).

24 Juin : Festival Paris hip-hop avec beaucoup de featurings.

7 juin : L’affranchi (Marseille).