RIFFX.Hebdo : L’actu d’Angèle

Elle a remporté la Victoire du Concert de l’année lors de la 35e édition des Victoires de la Musique. Retrouvez la chanteuse Angèle qui nous parle de son actu et de comment elle a vécu cette année folle !

– Donc ça tourne, ça tourne, ça tourne ? Ah la rapidité.
– Le regard.
– Ouais le petit mouvement de sourcil.
– Et ouais.
– Evidemment qu’il était bien mon clap, je le sais. Très chère Angèle, comme ça, pour commencer du tac au tac, l’année 2019 en une onomatopée, tu dirais quoi ?
– Je ne m’attendais pas à ça. Clap, clap, clap, clap.
– Clap, clap, clap..
– Clap. Cinq !
– Cinq.
– Cinq claps. La dernière fois qu’on s’est vus pour Riffx c’était lors des révélations Victoires de la Musique 2019. Et depuis comme tu le dis si bien dans « Flou ». Double Victoires de la Musique, double NRJ Music Awards, des centaines de millions de vues sur youtube, un premier album disque de diamant, tu as treusté les têtes de ventes d’album devant Nekfeu et un certain compatriote, Johnny Hallyday.
– Ouais.
– Par exemple, ça c’est ouf quand même !
– Complètement ouf ! Complètement fou. En venant de mon petit pays. Arriver comme ça en tête des ventes en France, c’est vachement… En fait je n’y crois toujours pas, c’est pour ça que j’en parle avec autant d’aisance. C’est que pour moi, ce n’est pas vrai en fait. Je pense qu’ils se sont trompés.
– Parce que, effectivement depuis 2018 on a vu ta frange blonde à peu près partout. Je t’avoue que j’ai complètement abandonné le projet de comptes les concerts que tu as enchaîné avec les festivals d’été.
– Ah oui, moi aussi !
– Tu as mené la vie de patachon, comme on dit. Comment est-ce que toi tu vis et tu analyses cette incarnation d’une génération ?
– J’essaie de retranscrire de la manière la plus objective possible mais malgré tout, avec mes yeux ce que je vois quand je parle d’amour, quand je parle de la place des femmes dans la société, du moins celle que je connais. Que ce soit la place de la jeunesse. Mais après, il y a plein de choses. Il y a ce que je suis, le milieu dans lequel je suis née, ce à quoi je ressemble, c’est des choses… Ce serait mentir de dire que ça n’y est pour rien. Je me bats pour faire comprendre aux gens que j’ai tous les mérites mais je me rends bien compte que avoir des parents artistes, ça c’est une vraie chance. Avec le recul je me rends compte que c’est tout ça en fait qui forme un tout donc je sais qu’il y a beaucoup de chance là-dedans.
– Un illustre compatriote, Monsieur Brel, de son patronyme disait qu’il fallait bien comprendre le mot « réussir » puisque finalement dans la vie on ne réussit qu’une seule chose, on réussit ses rêves. Est-ce que tu dirais que tu réalises tes rêves ?
– Oui surtout qu’en fait j’ai déjà réalisé mes rêves. Pour moi les rêves c’est un truc d’enfant et puis, je suis devenue adulte je ne sais pas très bien quand mais il n’y a pas longtemps. Et encore.
– C’est quand on commence à aimer les endives je crois. Officiellement devenir adulte.
– Ah non, ce n’est pas le cas alors. Parce que moi on me dit les chicons et je n’aime vraiment pas ça.
– Toujours pas ?
– En fait moi j’ai réalisé mon rêve dès le moment où je me suis retrouvée à l’Olympia à chanter avec Hélène Segara. Vraiment. J’étais comme une enfant et du coup j’ai pleuré un petit peu et du coup tout le monde a un petit peu pleuré et c’était juste magnifique.
– Ta chanson préférée de la vie d’Hélène Segara, c’est laquelle ?
– Je crois que c’est « Elle, tu l’aimes » ou « Il y a trop de gens qui t’aiment », avec « aime ».
– Un truc avec « aime » en tout cas.
– Oui !
– Je te demandais tout ça parce qu’il y a quand même une anxiété latente assez prégnante qui ressort à l’écoute de ton album. Tu parles de la peur de l’échec, de la pression d’y arriver, de la pression du succès, après de la pression de rester. C’est un peu pression au carré tout ça.
– Oui, oui, oui. Mais c’est de la pression que je me mets moi. Parce que longtemps je … enfin longtemps. Ca fait que deux ans et demi que je fais ça !
– Oui mais tu as fait tellement de trucs.
– Ca a été tellement vite et très très, ça s’est enchaîné.
– Ca fait 10 ans de vie en années moi je dirais.
– Oui et puis disons que la pression c’est moi qui me la suis mise pendant tout ce temps. C’est moi qui ai consciemment, sans trop me l’admettre je voyais quand même plus loin. Même si au fond de moi je ne m’en rendais pas compte, j’en avais envie au fond de moi.
– Il y avait cette petite flamme ?
– Oui, j’avais envie d’aller le plus loin possible et voilà, je pense que j’avais plein de trucs à me prouver et si je fais un deuxième album et qu’il se vend moins que le premier, ce qui est très très très probable et qui ne sera pas une mauvaise chose. Ce serait con en fait de se focaliser là-dessus, au lieu de se dire « en fait j’ai vécu un truc de fou à 22-23 ans, 24. Maintenant comment ça va suivre, on verra, mais j’ai plus envie de me mettre la pression.
– Dans, effectivement, la réédition de « Brol » agrémentée de sept titres et particulièrement dans « Flou » et « Perdu », tu parles aussi de la célébrité asphyxiante, de tout ce truc qui t’échappe un peu et parfois il y a aussi un truc schizophrénique dans tout ce qu’il se passe.
– Oui il y a plein de paradoxes et en même temps je crois que ce que j’essaie de faire depuis le début c’est de rester vachement intègre avec mes opinions. Devenir connu, c’est super parce que ça te permet d’avoir un public mais c’est aussi craignos parce que c’est chiant. C’est trop chiant de pas pouvoir être juste considérée comme quelqu’un de normal alors que, très honnêtement, je suis un être humain, j’ai des défauts. Parfois je sens mauvais, parfois je suis de mauvaise humeur. Mes défauts sont là, prenez-les ou ne les prenez pas mais en fait…
Voilà, tout ça c’est un peu étrange.
– On a érigé « Balance ton quoi » comme hymne et ode au féminisme. « Ta reine », comme aussi hymne et ode de la cause LGBT. Est-ce que t’es fière d’être catégorisée comme aussi une artiste engagée et d’être en adéquation avec tes convictions et tes messages, ou est-ce que tout à coup, le fait de faire de toi une porte-drapeau c’est un truc qui peut être lourd à porter ?
– Il y a beaucoup de choses dans cette question c’est que…
– Oui j’ai tout balancé. J’ai tout balancé d’un coup. Je fais un package.
– Oui mais c’est intéressant, on va analyser. Fière et puis porte drapeau et puis responsabilités pour moi ce sont des choses différentes, c’est que… Fière, moi au fond de moi, oui je suis très contente qu’un message qui parle de sexisme soit passé en radio. Pour moi ça c’est juste, ce qu’il y a de plus beau parce que j’y croyais vraiment pas, la preuve c’est que je l’ai même écrit. Ensuite, je pense qu’aucun artiste n’a envie d’être porte-drapeau de quelconque cause parce que, à moi toute seule, si je parle par exemple de féminisme, je peux parler que d’une forme de féminisme puisque moi je suis encore une jeune femme, je suis blanche, je suis vraiment dans les privilégiées donc venir porter le drapeau de l’anti-sexisme avec ma position ça peut être délicat. Disons que je parle des sujets dont j’aurais aimé qu’on me parle en étant plus jeune mais pareil ça s’arrête là, je ne pense pas avoir une responsabilité quelconque parce que, de nouveau, je suis ce que je suis. Je suis une chanteuse mais j’ai aussi la chance d’être écoutée parce qu’on m’en a donné l’occasion.
– Après, t’aurais envie de quoi ? Ca pourrait être quoi le truc qui te met en joie et en allégresse ? Une grasse mat’ par exemple ?
– Je pense surtout faire quelque chose qui ne tourne pas autour de moi. Parce que là, ça fait 3-4 ans presque que tout tourne autour de ma musique et c’est très chouette et je pense que je suis quelqu’un d’un peu égocentrique à force. Mais je pense que ouais ça me plairait de parfois peut-être, je ne sais pas, ou travailler pour d’autres artistes ou faire d’autres projets qui n’ont rien à voir avec la musique. Je prends le train jusqu’à je ne sais pas où.
– Limoges !
– Je vais à Limoges.
– Ou Bruges.
– Oui, je pourrais aller à Limoges en train par exemple.
– Pourquoi pas ! Ecoutes Angèle, en tout cas, si tout est devenu flou pour toi, pour moi tout est très net, quelle fraicheur fringante. Alors la loi de Murphy dit que le pire est toujours certain, le meilleur beaucoup moins. En tout cas, moi c’est tout ce que je te souhaite et profiter !
– Oui à fond ! Merci beaucoup !