Nicolas Michaux : Moments, traversées du temps

Le Belge Nicolas Michaux publie un très beau premier album, fruit de quatre années d’un trajet riche en rencontres, recherches et trouvailles. Marqué par les différents lieux où il a été conçu, « À la vie, à la mort » dessine un territoire entre pop et chanson, où textes et arrangements marquent par leur finesse.

Quelle est la genèse de ce premier album ?
J’ai enregistré « À la vie, à la mort » sur une assez longue période. Ça m’a pris quatre ans de travail, avec cette idée d’enregistrer plutôt au fil de la vie et dans des lieux qui m’étaient chers : chez moi ou dans des maisons qui m’ont été prêtées. J’ai commencé l’album quand je vivais au Danemark, dans un petit appartement avec très peu de matériel, à faire des maquettes, chercher des sons, écrire des chansons. Puis je me suis installé à Bruxelles où j’ai continué à travailler seul mais où j’ai aussi commencé à collaborer avec Julien Rauïs qui a produit le disque avec moi et avec Morgan Vigilante qui a joué de la batterie. On a emprunté des maisons pour y amener notre petit studio et travaillé en petit comité, en prenant le temps de vivre ensemble et de capter les moments de réussite et de communion. C’était presque une démarche documentaire.

Est-ce que vous arrivez aujourd’hui, en écoutant l’album, à identifier ce qu’un lieu a pu apporter à telle ou telle chanson ?
Oui. Je ne l’avais plus du tout écouté depuis le mixage et je l’ai fait avant-hier. Ça m’a replongé dans les lieux que j’ai fréquentés. Et ils influencent très fortement la musique : d’abord par des choses purement architecturales (le son d’une pièce, les possibilités qu’on avait là-bas, la batterie qui repasse un peu dans les guitares etc.), et ensuite par une certaine ambiance. Par exemple, on a terminé le morceau Île Déserte dans une maison à Ottignie, en banlieue de Bruxelles, qui était abandonnée. Ça a donné un côté beaucoup plus fantomatique à cette session et c’est là qu’on a fait tout ce qui relève de la postproduction et des textures de sons qu’on rajouté çà et là. Les couloirs et l’ambiance s’y prêtaient bien. Les lieux ont donc eu une vraie influence sur l’enregistrement, ainsi que les saisons : sur quatre ans, on a relativement peu travaillé en automne et en hiver. C’était plutôt comme la saison de la guerre chez les grecs : ça commence en mars et ça s’arrête en octobre.

Au cours de cette élaboration très éclatée et étalée dans le temps, vous êtes-vous posé la question de l’homogénéité de l’album ?
Oui, et ça été un grand défi : avoir accumulé toute cette matière, avec plein de moments qu’on aimait bien, mais faire en sorte que quand on met le CD chez soi, il y ait une ligne directrice, quelque chose qui traverse tout. Mais ce n’est pas un disque avec un concept très défini. On a toujours eu une vision assez ouverte de ce que pouvait être l’album.

Au-delà des lieux où l’album a été enregistré, la géographie semble tenir une place importante dans les textes.
Ces cinq dernières années, j’ai été beaucoup en mouvement : dans des trains, des voitures, sur un vélo ou à pied. La question de savoir où j’allais vivre, ce que j’allais faire et où, est devenue récurrente et importante dans ma vie. Et j’imagine qu’elle a pris plus de sens dans mes textes. Mais on en revient à ma démarche : la rencontre entre un lieu et un moment précis. Il fallait à la fois attraper des moments et créer des conditions. La première question que je me posais, c’est « où est-ce que je vais travailler ? »

En tant qu’auditeur, est-ce que les liens entre un groupe et une ville ou une scène vous intéressent ?
Oui, j’aime bien voir ce qui se passe derrière la musique, comment elle a pu être créée. Par exemple, j’aime l’histoire du label jamaïcain Studio One et l’économie dans laquelle il s’est inscrit à un moment donné. La question des scènes m’intéresse aussi : le merseybeat en Angleterre, le punk new yorkais des années 1970… ce sont des choses fascinantes. Quelque chose peut naître autour d’un bar. Pour ma part, j’avais commencé tout seul et, petit à petit, c’est vraiment devenu un album de scène où tous les intervenants sont bruxellois. Et on a mixé à Bruxelles. J’ai l’impression d’avoir bénéficié à fond de la ville où j’étais pour cet album et où je vis, avec cette scène bruxelloise qui est assez vivante en ce moment.

Vincent Théval

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Crédit Photo : © Charlie de Keersmaecker