Mr Flash : Une décennie sonore !

Mr Flash est un musicien discret mais très chaleureux en interview. Discret car Sonic Crusader est son premier album en dix ans. Compagnon de route de TTC, auteur du mythique Le Voyage fantastique, sorte d’épopée rap psychédélique, il sera surtout remarqué comme le frenchy qui a fourni plusieurs instrumentaux à Mos Def, dont un qui servira d’hymne pour la première campagne de Barack Obama ! Chaleureux car Gilles Bousquet – de son vrai nom – tient à s’expliquer, à se faire comprendre et affiche des opinions bien tranchées. Retour sur ce Sonic Crusader éclectique, déroutant et « très humains après tout » !

Dix ans pour sortir un album, c’est un peu long non ?

La musique pour moi est presque un accident. Au départ je m’orientais vers le cinéma. C’est un peu par hasard que je me suis retrouvé à travailler chez Virgin Records à la fin des années 1990, la grande époque de la french touch. J’y ai appris comment se construisait un album de A à Z. Bien sûr, la façon de produire un album à cette époque et aujourd’hui n’a plus grand chose à voir. On ne peut plus, comme Johnny Hallyday et les Stones, louer des studios dans de magnifiques manoirs et les squatter durant six mois en attendant l’éclair de génie et, si rien ne vient, recommencer l’année d’après ! Je suis un enfant du hip-hop et la découverte du sampler m’a permis de travailler seul et de peaufiner mes sons ! J’ai toujours aimé le côté artisanal. Cependant, en dix ans, j’ai fait beaucoup de choses à côté de la musique et produit pas mal de gens.

Vous semblez avoir un rapport complexe aux machines.

Je déteste les ordinateurs mais j’adore ce qu’ils permettent ! Ne négligeons pas l’aspect humain derrière le processus de création. Frank Zappa, par exemple, il n’hésitait pas à couper ses bandes dans un état second. Cette manière de travailler (le cut-up) a ensuite été utilisée par des gens comme DJ Shadow. Quand on imagine que ce sont des petits mecs du Bronx (Afrika Bambaataa, Kool Herc) qui ont réussi avec un simple échantillonneur à inventer une nouvelle musique c’est fascinant ! Cela a complètement démythifié le rôle de musicien. La technique sert à cela. C’est un peu la même chose avec le Net aujourd’hui. On peut faire écouter au monde entier ses productions : c’est un terrain de jeu illimité.

Comment s’est déroulé le processus de création de cet album ?

Produire de la musique seul, dans son coin, c’est avant tout projeter ses humeurs, raconter des histoires. Ces dix années passées à travailler sur Sonic Crusader représentent une décennie d’influences, de rencontres. Je voulais surtout qu’il y ait un déroulé comme sur les albums CD ou vinyles et revenir à cette nostalgie de l’album que l’on attendait religieusement. Aujourd’hui, la musique est devenue un fond sonore. Grace à Internet on est gavé de musique mais on peut aussi découvrir des perles. Au final je voulais proposer un univers entier, une vraie proposition artistique.

Justement cet album est le reflet de l’évolution de la musique depuis dix ans avec des excursions dans le rap, le R&B ou l’électro…

(hilare) Oui, mais je n’ai pas mis de polka ! Mon propos est musical avant tout, je ne m’interdis rien. Je suis convaincu qu’on n’invente plus rien aujourd’hui. Gainsbourg disait d’ailleurs que depuis Gershwin on a rien entendu de neuf. Le fil conducteur de l’album c’est juste ma vie. Domino, par exemple raconte la perte d’une personne dont j’étais amoureux. Chaque titre est un épisode de ma vie.

On a l’impression que vous êtes plus à l’aise avec les morceaux plus lents.

J’ai un gros fantasme sur les slows ! J’aime le côté robotique de la techno. Et j’aime bien aussi les morceaux plus posés ! Le rythme de 120 BPM correspond aux battements du cœur je préfère ce qui est légèrement au-dessous. Tu peux faire des choses violentes à 60 BPM, d’ailleurs la techno s’est extrêmement ralentie.

Le live est-il devenu le seul moyen de vivre pour les musiciens ?

Oui, avec la synchronisation dans la publicité et le cinéma. Ma musique a déjà été utilisée pour une campagne de pub de voitures. Bien sûr, j’ai eu énormément de chance avec Marvelous Time, le titre que j’ai produit pour Mos Def qui est devenu l’hymne de la première campagne d’Obama. Je considère que les artistes n’ont pas à se mêler de politique mais cette campagne était porteuse de valeurs fortes alors j’ai accepté !

Propos recueillis par Willy Richert

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