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A travers une série d’interviews, RIFFX met à l’honneur 12 femmes artistes qui sont passées par le Chantier des Francofolies entre 1998 et 2020. Ce dispositif unique, destiné à des artistes émergents de la chanson francophone, a pour but de perfectionner leur art de la scène. Après Buridane et Carmen Maria Vega, RIFFX continue cette série de portraits en compagnie de Blandine Rinkel : unique figure féminine de Catastrophe, groupe hybride et difficilement définissable, avec lequel elle évolue depuis 2016. Rencontre.
Plusieurs personnes autour de nous nous avaient parlé du Chantier des Francos, notamment Juliette Armanet, en nous expliquant que ça donnait une structure, un accompagnement et que ça permettait de se sentir assis dans la profession. Quand on commence à faire de la pop, on est assez seuls, c’est assez difficile de se constituer un entourage. Le Chantier nous a aidés de manière fulgurante. Ça nous a vraiment été d’une grande aide : soudain on a eu des locaux où répéter, des gens pour nous aider sur le plan administratif et sur le plan scénique… On a vraiment eu l’impression d’être soutenus et de trouver une forme de famille.
Oui parce qu’on y est retourné plusieurs fois dans la résidence du Chantier des Francos à La Rochelle. On a aussi profité du fait de pouvoir maintenir un lien dans le temps, ce n’était pas juste au moment où on a fait partie de la sélection, on est resté en lien. On a aussi participé au programme d’accompagnement jeunesse Francos Educ, qui propose aux artistes de faire des ateliers ou des projets avec des publics jeunes. Nous avons créé un morceau avec 80 enfants âgés de 8 à 12 ans des quartiers Nord de Marseille. Ensemble, on a créé le titre Bruce Lee, qui est sorti officiellement et est entré en playlist sur des radios. C’était très joyeux et très galvanisant d’être accompagnés sur des projets aussi un peu loufoques grâce au Chantier.
C’est assez clair pour moi, parce que ma colonne vertébrale c’est les livres et l’écriture. Je sais que mon rapport à l’écriture primera toujours. En partant de là, ce qu’apporte la scène, la danse, le chant… Tout ce qui est physique est plutôt un contrepoint à l’écriture, une manière de rester en vie, d’aérer aussi le cerveau et le corps. Cela permet de ne jamais perdre le désir d’écrire, ça rééquilibre les énergies.
On essaie de se définir le moins possible (rires) ! Les définitions enferment un peu. Néanmoins je dirais qu’on fait de la pop de toutes les manières possibles, on veut montrer que les choses pourraient toujours être autrement, on essaie de surprendre, d’aller voir d’autres disciplines, de garder une curiosité constante. Sur scène il y a de la danse, de la musique, du texte, des costumes, une scénographie… Ça touche un peu à la comédie musicale, on essaie de concevoir tous nos projets à 360 degrés. On est tous pluridisciplinaires.
Nous sommes six : le noyau dur c’est Arthur, Pierre, Carol et moi-même. Pierre Jouan est le compositeur principal, même si après on arrange les morceaux tous ensemble, c’est lui qui va avoir le dernier mot sur la musique (rires). Arthur Navellou est une bête de scène et va plutôt être source de propositions sur scène, c’est la personne la plus drôle que je connais. Il y a aussi Carol Teillard qui, lui, est une énergie plus calme, sur scène il fait des percussions et de la magie, on l’appelle « le regard » car il nous aide à mieux voir ce qu’on fait. Ensuite il y a la section rythmique : Bastien Bonnefont et Pablo Brunaud qui sont respectivement à la batterie et à la basse, il sont fous dans leur domaine et sont très concentrés.
C’est un disque qu’on a composé tous les six dans une même pièce avec des instruments. L’ordinateur n’est arrivé qu’à la toute fin, quelques jours avant d’enregistrer. On a tout imaginé en live, on voulait que le disque sente la sueur. C’est un album physique, en apparence joyeux mais quand on écoute les paroles, peut-être plus inquiet et grave qu’il n’y parait rythmiquement. C’est un album à éprouver avec tout son corps, en se mettant nu dans une pièce (rires) ou en se laissant aller en osant danser, en n’ayant pas peur d’être ridicule ou bizarre. Notre influence principale pour ce disque a été David Byrne, ex-Talking Heads, avec son dernier projet American Utopia. On l’a vu au Zénith de Paris tous ensemble, on avait déjà commencé à travailler sur Gong !, soudain on a trouvé la clé principale qui nous manquait pour notre projet : la clé du corps. On nous dit souvent qu’on retrouve sur le disque le triangle des Michel : Michel Legrand, Michel Berger et Michel Fugain. Ce à quoi on pourrait ajouter Michelle Obama pour un peu plus de parité dans l’équation (rires) ! C’est à la fois de la chanson française et il y a beaucoup d’emprunt aux productions américaines de hip-hop. La singularité du disque est peut-être l’usage des chœurs et des polyphonies, on chante à six.
Ouais très important. On avait cette idée de faire quelque chose de scénique et d’incarné, qui sente la sueur, mais on avait aussi une espèce de vision, d’image obsédante, l’envie de faire tout dans un horizon. On se disait même que sur scène on voulait qu’une toile peinte tombe avec un horizon. Ces vidéos ont donc été imaginées comme ça. On voulait des choses très simples et on voulait casser l’esthétique des clips où il y a une dépense de néons, de lumières, d’effets et d’artifices, de maquillage, qui nous fatiguent et qui se ressemblent trop. Nous, on voulait l’inverse. Sur deux jours, on a tout tourné dans le Vexin avec l’équipe de Grünt. Sans portable, sans ordinateur, on voulait respirer, courir pour rien, retrouver quelque chose d’élémentaire.
Non, je crois qu’aujourd’hui on est très attentif aux questions de féminisme, de représentation. Il y a un vrai effort qui est fait depuis deux ans. Je crois au contraire que la société et le milieu y font plus attention et j’ai en tout cas l’impression de plutôt bénéficier du fait d’être une femme plutôt que d’en souffrir. Dans l’ambiance de tournée, c’est vrai par contre que les techniciens, les directeurs de salles etc. sont majoritairement des hommes… On a la sensation d’une majorité masculine, d’une culture un peu viriliste. Ma réponse a été d’insister pour qu’au son, à la lumière, on ait des femmes. On fait appel à des danseuses aussi, donc notre équipe est quasiment paritaire en tournée. Il a suffi d’insister un peu, le tourneur a tout de suite compris et on a trouvé les bonnes personnes pour nous accompagner sur la route. Ça permet de rééquilibrer les énergies et de faire plus attention à l’autre.
De nourrir ce qu’ils ont de plus bizarre ou de plus singulier et de ne surtout pas essayer de se conformer à quoi que ce soit. Au contraire, d’aller dans le pire d’eux-mêmes (rires) et de rester curieux dans toutes les circonstances. Garder l’œil ouvert, il y a des gens partout, et même ceux qu’on attendait le moins peuvent nous aider, nous donner des conseils et nous nourrir. Ça me semble être le conseil majeur que je donnerais et que je me donne à moi-même d’ailleurs (rires) !
On espère déjà pouvoir tourner avec Gong ! parce que nos dates de concerts ont été amputées. Normalement, la tournée devrait reprendre à partir de janvier-février. A titre personnel, je termine un troisième roman, qui est un peu difficile à finir, je pense que ça va bien m’occuper toute l’année. Et je sors un petit livre chez Presse Universitaire de France (PUF) en avril prochain.
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