Les Femmes à l’honneur : Aya Nakamura

Une fois par mois, RIFFX vous invite à son nouveau rendez-vous original « Les femmes à l’honneur » sous la forme de chroniques musicales. Aujourd’hui, retrouvez le portrait de Aya Nakamura.

La chanteuse française la plus écoutée du monde revient avec un nouvel album imparable, DNK. Portrait d’une artiste qui n’en fait qu’à sa tête.

 

Du R&B, du zouk, de l’afropop, et cette voix de diva qui s’est appropriée, comme peu d’autres l’ont fait avant elle, la langue française. Sans esbroufe, mais avec une flamboyante nonchalance qui en a tourneboulé plus d’un.e et qui a, surtout, battu des chiffres de ventes au sein d’une industrie musicale en perpétuelle quête de tubes. 900 millions de vues pour le clip de Djadja, qui l’a révélée à un large public, 337 millions pour Pookie , et ses albums ont été certifié plusieurs fois disques de platine. “Tu voulais me comparer aux autres, moi c’est le haut niveau”, balance-t-elle aux jaloux dans son nouvel album, DNK, qui, paradoxalement, ne dissimule guère ses doutes et ses angoisses. Mais sans faire ombre à son incroyable popularité : en 24 heures, son album a été streamé plus de 2,7 millions de fois sur Spotify.

DNK, donc, pour Danioko. C’est le nom à l’état civil d’Aya, née à Bamako en 1995, élevée à Aulnay-sous-Bois. Quatre frères et sœurs, une scolarité banale, mais un stylo qui la titille, seul moyen de s’exprimer clairement dans un quotidien où aucun parent, oncle ou marraine n’officie dans le show-biz. Mais la performance, elle, est importante dans la famille : sa mère appartient à une lignée de griots, ces conteurs hors pairs qui perpétuent les cultures traditionnelles d’Afrique de l’Ouest. Et elle n’est pas particulièrement enthousiaste à l’idée que sa fille pousse la chansonnette… Qu’importe, celle-ci se décide, sur un coup de tête, à poster ses morceaux sur Facebook. Elle a 19 ans, et l’inaugural Karma, décidément bien-nommé, introduit la verve singulière de cette chanteuse qui, si elle n’a suivi aucune formation musicale, témoigne d’un épatant charisme vocal. En résulte une effervescence inattendue, et encourageante malgré l’incompréhension d’un certain entourage. Vite, son talent mélodique et sa culture afro font mouche, et, tout aussi vite, il faut prendre un pseudonyme. Ce sera Nakamura, du nom d’un personnage japonais de la série américaine Heroes.

Lorsqu’elle signe un contrat en maison de disques, fin 2015, Aya a 20 ans, attend un bébé, n’en dit rien et travaille dur sur ce qui devient son premier album. À ses côtés, son compagnon, Vladimir Boudnikoff, Ever Mihigo et Aloïs Zandry, tous dévoués à sa cause, et pléthore d’artistes masculins qui se bousculent pour travailler avec elle. En 2017, paraît Journal intime, clin d’œil à ses heures passées, enfant, à écrire dans sa chambre. L’année suivante, la déflagration se produit lorsque Djadja paraît au printemps, cartonne comme jamais, annonçant l’album Nakamura. Pookie, Copines, La dot, Ça fait mal… Tous les titres sont accrocheurs, proposant une mixture pop hybride sous influence des musiques ouest-africaines et caribéennes… mais pas que. Aya admire ses camarades d’Outre-Atlantique, de Rihanna à Cardi B. Comme elles, l’artiste franco-malienne brille par son sens de la formule, quitte à utiliser néologismes et expressions déroutantes. De quoi nourrir bien des études linguistiques et susciter des critiques virulentes.

Une fois encore, Aya balaye de sa main manucurée les mauvaises vibrations, et avance. Troisième album, Aya, troisième succès. Aujourd’hui, avec DNK, elle réinvente les fragments du discours amoureux, arguant (à raison) que la rupture peut être synonyme d’une liberté nouvelle. Sur le fond bleu d’une pochette signée par l’un des grands noms de la photographie hip hop française, Fifou, ses épaules sont dénudées, son visage recouvert d’une cagoule blanche pour mieux assumer ses racines maliennes. Et sans aucun doute son nom, Danioko – même si c’est par son prénom, Aya, que tout le monde l’appelle. L’apanage des grandes.

 

Aya Nakamura, DNK, Rec 118. En concert du 26 au 28 mai à Paris (Accor Arena) et en tournée française