L’album du mois : Romance, de Fontaines D.C.

Sur leur quatrième album, le quintet post-punk de Dublin continue sa métamorphose en l’un des groupes les plus passionnants du rock anglophone.

Lorsqu’en 2019 la bande emmenée par le charismatique chanteur Grian Chatten déboulait avec Dolgrel, premier album d’obédience post-punk, rien ne nous préparait à la trajectoire toujours plus stimulante prise par la musique de Fontaines D.C. Entre Idles, Squid, Black Country, New Road ou Dry Cleaning, le groupe ne faisait pas figure de formation la plus aventureuse d’outre-Manche. Orchestrant un post-punk terriblement efficace mais de facture plutôt classique le groupe formé par Grian Chatten (voix), Carlos O’Connell (guitare), Conor Curley (guitare), Conor Deegan (basse), et Tom Coll (batterie) aura attendu son troisième album, Skinty Fia, pour enfin se mettre au diapason de leurs talents.

Porté par l’immense I Love You, Skinty Fia travaillait au corps l’idée d’une irlandité atomisée par l’histoire de l’île verte et de ses diasporas mais portait la promesse d’une libération des Fontaines D.C. plus que jamais ouvert à la créolisation de sa musique, dont Romance, leur quatrième album, serait l’aboutissement. Irlandais, ils le seront toujours jusqu’au bout des ongles mais en passant par une redéfinition de leur identité et en se refusant aux stéréotypes de sa musique rock. En résulte le disque le plus étrangement lumineux de leur jeune carrière, mais aussi et surtout, le plus délibérément libre.

Enregistré en complète autarcie dans un château d’Île-de-France, Romance multiplie les expérimentations sonores : l’imparable Starbuster fait entrer les productions rap et le spoken-word chez le quintet, Grian Chatten n’a jamais sonné aussi inspiré pour accoucher de mélodies aussi entêtantes que stimulantes pendant que le groupe évoque aussi bien l’influence du grunge que du shoegaze atmosphérique de Slowdive. Produit par James Ford de Simian Mobile Disco (déjà aux manettes chez les Arctic Monkeys ou Blur), Romance prend la forme d’une dystopie rock, une approche apocalyptique et futuriste qui sied tout particulièrement au romantisme des Fontaines D.C. dans un contexte de grand chamboulement de leurs influences musicales.

Dépouillées (en partie) de leurs oripeaux post-punk, Romance convoque aussi bien la radicalité du métal (Romance), l’écriture fleuve de Lana Del Rey (In The Modern World), les orchestrations de Scott Walker (Horseness is The Whatness) ou la jangle pop (Favourite). En somme, un patchwork de toutes les inspirations qui pourrait contenir l’ethos de Romance : celui d’un disque obsédé par le sentiment romantique, ses affres, son ambivalence, ses bienfaits mais surtout l’extrême nécessité de le protéger et de l’entretenir coûte que coûte. La lumière au bout du tunnel, la flamme au milieu de l’obscurité, il fallait bien un groupe comme Fontaines D.C. pour allumer l’étincelle et Romance est une déflagration.