L’album du mois : Mon Sang de Clara Luciani

 

Après le succès triomphal de “Cœur”, Clara Luciani abandonne ses oripeaux disco qui l’ont porté au firmament avec “Mon Sang”, un troisième album bouleversant qui renoue avec ses premières amours de chanson française.

Après l’ascension fulgurante qui suivra la parution de son premier album au nom prémonitoire, Sainte-Victoire, porté par l’imparable et immanquable single La Grenade, on avait laissé Clara Luciani encore plus haut : en costard à sequins sur le toit de la pop française et auréolé de succès par la grâce de son virage disco incarné par son second album Cœur (et sa réédition non moins plébiscitée Cœur Encore). Une question se posait alors ou plutôt un dilemme : continuer dans cette voie et creuser plus encore le sillon de la dance-music ou opérer un retour à soi ?

A n’en point douter, Mon Sang, troisième album de l’ex-membre du groupe La Femme, opte sans détour pour la seconde solution avec une auscultation de sa généalogie (elle est nouvellement mère d’un enfant avec Alex Kapranos, leader du groupe anglais Franz Ferdinand) d’une folle intimité mais aussi un détricotage de ses influences premières de la chanson française (notamment la regrettée Françoise Hardy). Toujours accompagnée par Ambroise Willaume (Sage, Revolver, Astral Bakers) et Pierrick Devin, Mon Sang s’envisage comme un album du retour aux sources qui n’oublierait jamais le poids des années et des expériences accumulées en chemin.

Si les orchestrations et arrangements de Cette Vie en ouverture de l’album semble baliser le terrain après la machinerie discoïde de Cœur, Tout Pour Moi et le morceau-titre Mon Sang battent en brèche les influences du précédent pour renouer pleinement avec le romantisme et l’émotion des années yéyé si chères à la star de la pop française, tout en établissant déjà toutes les thématiques à l’œuvre sur le disque : amour, perte et filiation. D’ailleurs, ce morceau-titre à la puissante charge émotionnelle évoque, dans un écho doublé, l’immense premier EP sous influences Ennio Morricone (Monstre D’Amour en 2017) de Clara Luciani et l’influence du courant de western yéyé qui l’irriguait alors, et, comme une évidence, traitre d’une histoire de filiation.

Loin de l’euphorie universaliste de son prédécesseur, c’est d’ailleurs, par ce double mouvement, que ce nouveau disque avance. Tout au long du disque se noue une relation entre intimité, intériorité et musique de son passé. En résulte ce disque éminemment émouvant qui puise sa force dans une métaphore anatomique (consciente ou non). Après avoir trouvé le Cœur battant de sa musique sur son deuxième album, Clara Luciani se lance à corps perdu dans la recherche de ce que celui-ci irrigue de son sang sur ce troisième effort. Passé, présent, futur, héritage, hérédité, évolution, tout concorde à faire de Mon Sang, un grand disque intime auscultant aussi bien l’histoire de Clara Luciani que celle, plus grande qu’elle, de la chanson française. Un sublime hommage au pouvoir émancipateur de la musique.