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Sur son troisième album, Claire Cottril, 25 ans au compteur, redéploie son imaginaire soft rock et folk dans de nouvelles contrées musicales. Un nouveau grand disque dans sa jeune discographie après l’imparable Sling.
On l’avait quitté avec Sling, deuxième album absolument impeccable, qui poussait déjà à son paroxysme sa formule folk avançant à pas feutrés et d’une délicatesse absolue. Révélée par une poignée de morceaux post-internet, la girl next-door de la pop américaine y avait définitivement abandonnée le second degré et l’ironie post-moderne de ses premiers essais (Flamin’ Hot Cheetos ou Pretty Girl) pour se plonger corps et âme dans une musique la plus organique et franche possible et chassant sur le terrain du soft rock, le spleen en bandoulière.
Sur Charm, son envoûtant troisième album qui n’a jamais aussi bien porté son nom, Clairo double la mise en signant d’ores et déjà un second classique instantané de sa discographie. Définitivement affranchie de tous les carcans de l’industrie musicale, qui voyait déjà en elle une nouvelle poule aux œufs d’or et une popstar clé en main, Claire Cottril poursuit sa route en (presque) totale indépendance, libre de s’envisager comme la Joni Mitchell du 21e siècle, l’alternative indie à Billie Eilish ou les deux à la fois, selon l’envie qu’il lui prendrait.
Cette fois-ci, la nouvelle obsession de Clairo n’est autre que la soul. Exit Rostam Batmanglij (ex-Vampire Weekend) ou Jack Antonoff (Lana Del Rey, Taylor Swift, Bleachers), c’est au tour de Leon Michels (Lee Fields, The Dap-Kings, El Michels Affair) de s’occuper de la production en collaboration avec la principale intéressée. En résulte un cocktail détonant qui voit la musique de Clairo mâtiné aux songwritting d’Harry Nilsson, Carole King ou Todd Rundgren s’octroyer quelques pas de côté qui lorgne définitivement plus vers les tubes soul des origines, des incartades chez Stereolab ou The Carpenters, ou une évocation à peine déguisée de la mue nu-soul de Billie Eilish sur son second album (Happier Than Ever).
Un virage amorcé dès Sexy To Someone, single annonciateur de Charm, qui promettait déjà un versant plus dansant (autant que faire se peut) chez Clairo. De Nomad à Pier 4, Claire Cottril relève son pari haut la main avec cette collection de tubes de poches enregistrés sur bandes et presque entièrement analogiquement entre le Queens et Woodstock. Moins meta que sa consœur et ainée Weyes Blood, elle tisse pourtant sur Charm le même fil nostalgique et réflexif dans un fatras d’influences jamais indigeste ; réduit à son plus simple appareil mais pourtant jamais décharné ou impersonnel.
Fidèle à l’air du temps et pourtant complètement à contre-courant du dogmatisme qui pourrait entourer le folk dit traditionnel ou la pop contemporaine, la jeune autrice-compositrice-interprète qui a tout juste fêté son quart de siècle se hisse, avec l’air de ne pas y toucher, dans la liste des grandes songwriteuses de notre temps (Weyes Blood et Billie Eilish donc, mais aussi Lana Del Rey ou Lorde) en investissant un créneau soft rock souvent mésestimé. Un tour de force paré de délicatesse, une main de fer dans un gant de velours.
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