Jean Fauque et Alain Bashung : Fantaisie militaire

Réédition du chef d’œuvre de Bashung, agrémenté de 30 versions inédites. Indispensable.

Quand sort en 1998 « Fantaisie Militaire », Alain Bashung est au plus mal alors que sa carrière elle, se porte bien. Son dernier album « Chatterton » laisse le public un peu désemparé alors que le titre Ma petite entreprise porte l’album au top des ventes. Bashung, artiste absolu, remet les compteurs à zéro, et tente de sortir d’une dépression carabinée. Jean Fauque, son ami de 30 ans et parolier depuis l’album « Novice », raconte : « On allait très mal, tous les deux ! Alain, divorcé s’était installé dans un petit studio du XXe. Limite glauque. Il me convoque pour préparer le nouvel album. Pour la première fois il veut que tout soit bouclé avant d’investir le studio. » Le travail d’écriture de Jean Fauque consiste à noircir des carnets de phrases que Bashung va ensuite coller les unes aux autres de manière instinctive mais tout à fait cohérente. Voilà l’un des intérêts de ce quadruple CD : comprendre les différentes étapes de création de ce chef-d’œuvre grâce aux nombreuses versions alternatives avant la définitive. « Je trouve, poursuit Jean Fauque, ce travail très pédagogique et très intéressant pour le grand public. Cela dit, c’est surtout musicalement que l’on peut voir l’évolution car, au niveau des textes, tout est déjà écrit avant la musique ».

Une voix hors pair !
Pour ceux qui en douteraient encore, le coffret met en évidence l’immense qualité d’interprétation de Bashung. On peut donc l’entendre chanter de façons différentes sur chaque version enregistrée. Après deux ans d’écriture, Bashung entre en studio et propose au groupe Les Valentins de faire les arrangements. C’est Richard Mortier qui s’occupe des rythmes électroniques sous le contrôle de Jean Lamoot, responsable du montage final. Chaque membre de ce trio va amener son univers. Même si « Fantaisie Militaire » reste comme le grand album de cordes de Bashung, (Dans La nuit je mens le travail de Richard Mortier reste important et n’a peut être pas été assez reconnu à sa juste valeur. La réédition du titre dans le coffret rattrape aussi cette injustice). Le morceau Angora irréel reste emblématique du génie collaboratif de Bashung et de Jean Fauque, un titre dont le parolier ne se souvenait plus : « Je l’ai retrouvé dans mes archives et personne ne sait qui l’a enregistré. C’est un titre qui condense en fait trois morceaux : Angora, La nuit je mens et L’Irréel (qui sortira sur l’album suivant, « L’imprudence »). Ce dernier est un morceau de bravoure de six minutes absolument magique. L’autre moment magique, dont je me souviens, lui, est le moment où Alain étale devant moi six ou sept feuilles de texte et me chante La nuit je mens de manière très linéaire. Je lui dis que ce n’était pas très mélodique et d’un coup il me chante le titre comme on allait l’entendre sur l’album, mélodie incluse. J’étais scotché ! Mais avec le recul je pense qu’il avait préparé son coup pour m’épater ! ». L’album décrochera trois Victoire de la musique puis celle de l’album français des vingt dernières années et se placera à la première place des charts. « Il reste encore des dizaines de versions à découvrir sur l’album « Chatterton » et encore plus sur « L’imprudence » avec pas mal d’inédits. Il faut savoir aussi qu’il existe quasiment un album entier d’inédits de l’époque de « Bleu pétrole » ! » conclut son ami. Nous n’avons pas fini, cinq ans après sa mort, d’entendre encore parler du plus grand rocker français de l’après guerre. Et c’est tant mieux !

Willy Richert

Découvrir ou redécouvrir :

Alain Bashung – La Nuit Je Mens