Invité RIFFX : Alain Lahana, meilleur ami des légendes du rock, nous raconte le Paris Music Festival 2021

Plus de 10 000 concerts au compteur, des amitiés solides allant de David Bowie et Patti Smith à Iggy Pop, Alain Lahana ne représente pas seulement l’esprit punk de toute une génération, il fait partie de l’histoire du rock et de la musique moderne. Cet ancien toulousain chaleureux aux mille anecdotes nous a accordé une interview pour revenir sur sa carrière passionnante et l’édition 2021 du Paris Music Festival pour lequel il est conseiller artistique. Rencontre.

Bonjour Alain Lahana, votre parcours professionnel est assez incroyable. Difficile de le résumer en quelques lignes, on tente le défi quand même ?

Je travaille dans le spectacle depuis environ 44-45 ans. J’ai démarré à une période assez spéciale, où il y a eu un grand coup de pied dans la fourmilière au niveau musical. Je viens au départ d’une scène alternative. A l’époque, j’organisais des concerts à Toulouse avec des groupes comme Magma, Gong etc. jusqu’à ce qu’arrive un mouvement nouveau : le mouvement punk, qui a tout secoué. C’est ainsi que je me suis retrouvé impliqué dans les deux premières éditions du festival punk de Mont-de-Marsan, on avait les Clash et Police. De là, je suis monté à Paris et me suis retrouvé à bosser avec Bernard Lavilliers. En parallèle, je manageais le groupe de Paul Personne et puis j’ai commencé ma collab avec Iggy Pop en 1978, je travaille toujours avec lui aujourd’hui. Patti Smith c’est depuis 1995, j’ai fait dix-huit ans avec David Bowie, seize avec Depeche Mode, les Pogs, Simple Minds… J’ai ouvert le Stade de France avec les Rolling Stones, bossé vingt ans avec Stephan Eicher, trente avec Paul Personne, une dizaine avec les Stranglers, j’ai lancé Ayo avant la sortie de son premier disque, GiedRé en production, je co-manage Tryo en total indépendant… Je pourrais citer des artistes à tire-larigot mais je n’ai pas fait que ça : j’ai créé le Prix Constantin pour lequel on a fait dix éditions, on était d’ailleurs ravi d’avoir le Crédit Mutuel à nos côtés sur les dernières années, qui nous apporté une caisse de résonnance beaucoup plus grande et a vraiment filé un coup de pouce à beaucoup de jeunes artistes qui débutaient et qui ont maintenant des carrières plus installées. Il y a peut-être aussi un détail qui a son importance : je suis indépendant depuis que je travaille. On m’a fait des propositions de rachat mais pour que mon petit jardin soit bien arrosé, j’ai toujours considéré qu’il valait mieux qu’il soit comme je le veux. Ça m’a aussi obligé à être tout-terrain. Quand on voit la crise actuelle, grâce à ma polyvalence je passe un peu entre les gouttes.

La musique est présente dès votre plus jeune âge. Comment avez-vous eu le déclic ?

Oh bin très tôt. Pour replacer dans le contexte, lorsque je suis entré au lycée il y a eu mai 68, l’année d’après il y a eu Woodstock… Beaucoup de choses se passaient, on était en rébellion contre le système en place, d’où mon orientation vers la musique alternative et le mouvement punk. Ce n’est pas juste la musique qui m’a séduit – car ça n’a pas toujours été le cas – mais c’est aussi le fait que d’un coup on démocratise tout ça : les gamins n’avaient plus aucun complexe à faire du bruit dans un garage et sur scène, ils gueulaient leur rage devant d’autres gamins qui attendaient ça, c’était un phénomène nouveau. C’est ce fameux coup de pied dans la fourmilière qui m’a séduit. Ce mouvement inédit a permis une redistribution des cartes, et je faisais partie des nouveaux acteurs. A cette époque, c’était très facile de monter dans le train mais par contre pour y rester il fallait s’accrocher parce qu’il y avait beaucoup de moyens de se retrouver éjectés. J’ai trouvé mon truc et j’ai eu la chance de tomber sur des artistes incroyables très tôt. En regardant en arrière ça ressemble à une carrière, mais j’ai juste l’impression d’avoir rebondi à chaque fois sur de nouvelles choses qui m’ont permis d’élargir mes horizons.

Quel est votre rôle sur le Paris Music Festival et quand avez-vous rejoint l’aventure ?

Je vais vous raconter une petite anecdote déjà avec Marcelle Galineri : je l’ai connue au lycée. On était dans le même lycée à Toulouse, c’est elle qui m’a connecté avec son mec de l’époque qui faisait les concerts alternatifs. Notre histoire ne remonte donc pas à hier, à mon grand âge quand on a des amis d’école c’est ultra important (rires). Elle est comme une frangine pour moi. Au départ, pour le Paris Music, elle m’a appelé par rapport à des artistes que je gérais et qu’elle voulait accueillir, il faut dire que j’ai un carnet d’adresses assez copieux. Je trouvais l’idée géniale de faire des concerts dans des lieux atypiques, pour découvrir des nouveaux artistes dans un écrin unique. Pour la deuxième édition du festival, j’ai appelé ma copine Patti qui est venue chanter trois-quatre chansons à l’hôtel de Lauzun, avant que Mathias Malzieu ne prenne le relai. Mon carnet d’adresses est là pour aider les autres. Le Prix Constantin c’était pour aider les jeunes artistes, avec le Paris Music Festival on aide une scène un peu différente de celle qu’on a tendance à voir partout. Mettre de bons artistes dans de vrais écrins, avec en plus des billets à 10 balles, ça incite vraiment à la découverte et c’est ce qui me plaît. La programmation de cette année – quel dommage que ce soit en digital – déchire : c’est intéressant d’avoir un Thibault Cauvin, tout comme La Chica, Rodolphe Burger ou Thylacine… Chacun va être dans un écrin fait sur mesure pour qu’il puisse aller plus loin dans sa prestation, je trouve ça absolument fantastique en tant que conseiller artistique du Paris Music Festival.

Après avoir vu ce qu’il y a du plus grand, comment avez-vous pris la décision de travailler sur des formats plus petits comme le Paris Music Festival ?

Pour moi, il n’y a pas de grands ou de petits artistes, il n’y a que des bons artistes. C’est ça qui prime sur le reste et qui me donne envie d’aller sur certains projets et pas d’autres. De la même façon qu’on m’a aidé – on m’a ouvert beaucoup de portes quand j’ai démarré – je trouve que c’est normal de rendre la pareille dès que je peux, ouvrir la porte à des gens qui me font kiffer. Aujourd’hui, j’interviens dans plusieurs écoles et je vois que beaucoup de gamins de 18-25 ans, qui se destinaient à une voie artistique, sont peut-être en train de jeter l’éponge. C’est dommage, on risque de les perdre définitivement donc il faut que les initiatives soient encore plus importantes.

Dans le contexte actuel, pensez-vous que ces formats ont justement du sens ?

Absolument. A partir du moment où on propose une prestation dans un écrin atypique, on double les chances que les gens y prêtent attention. Pour des artistes de cette envergure, quand on voit le tour de table des partenariats qui y’a autour de Paris Music, c’est génial. Souvent, on n’a pas la moitié de ça pour faire un vrai concert.

L’édition 2021 du Paris Music Festival se déroulera les 28 et 29 mai. C’est quoi le programme ?

Quand je vois qu’on a des artistes comme La Chica, Théo Charaf, Clara Ysé, Thibault Cauvin pour lequel j’ai un vrai coup de cœur, Voyou, Morgane Imbeaud… C’est assez exceptionnel quand même, dans des endroits uniques. Le lendemain, on a Rodolphe Burger au musée des Arts et Métiers, Clou qui va jouer au musée Carnavalet, Abel Chéret dans l’hôtel de Lauzun qui est un lieu vraiment magnifique. A l’époque quand j’y ai emmené Patti Smith, elle était très émue d’aller sur les traces des écrivains qui ont habité ce lieu et qui l’ont inspirée. Le fait qu’elle puisse visiter le lieu, ça l’a motivée aussi à venir. Voir Catastrophe, Sandra Nkaké et Thylacine en concert, via une captation de qualité supérieure, ça va être super.

Que pensez-vous de la Révélation RIFFX Abel Chéret, au programme du Paris Music Festival ?

C’est le clip de J’avale que j’ai regardé encore ce matin. J’adore sa nonchalance, ce truc qui pétille et qui est malicieux. Je trouve ça marrant, la façon dont il a fait ce clip. J’ai entendu deux autres titres et j’ai eu un coup de cœur, il y a tout de suite une identité cool, une personnalité qui se détache. Avoir une puissance de feu telle que celle de RIFFX et du Crédit Mutuel, c’est très important pour ce genre d’artistes, ils en ont besoin. Au début, ils ont besoin d’encouragements, toutes les mises en avant ont une portée énorme.

Avez-vous déjà envisagé d’étendre le Paris Music Festival sur le territoire français ?

Selon moi il est important aujourd’hui de savoir comment on peut se projeter plus loin et donc comment décentraliser l’événement dans certaines villes de province. Ce serait vraiment intéressant d’y réfléchir dans un futur proche. Je ne dis pas qu’il faut monter une tournée, mais si on a les moyens de faire un Paris Music Festival en dehors de Paris, par exemple un Lyon Music Festival ou un Marseille Music Festival, à 10 balles dans des lieux patrimoniaux, ce serait génial. On a quand même pas mal de villes incroyables en France : Toulouse, Bordeaux… Tellement de lieux exceptionnels mais fermés au public, ce serait l’occasion de découvrir à la fois des artistes et des lieux. On évoque souvent cette idée avec Marcelle.

Si RIFFX était une chanson, ce serait laquelle selon vous ?

Ahhh je ne suis pas bon sur ces trucs-là (rires) ! Ce qui me vient spontanément, là tout de suite, c’est The Passenger d’Iggy Pop. Pour moi, tous ces artistes deviennent des passagers de quelque chose, ils se retrouvent transportés tout d’un coup d’un monde vers un autre.

Iggy Pop, increvable

Iggy Pop, increvable