Helena Noguerra : année zéro

Femme multi-facettes Helena Noguerra ne se refuse rien. La Chanteuse a multiplié les expériences de genre – de la bossa à la pop et au rock –, empilé les albums solos ou duo, les collaborations diverses et les tournées avec Nouvelle Vague. Elle s’était faite plus silencieuse ces dernières années pour se consacrer au cinéma. Et pourtant, six ans après son quatrième album, voici son dernier-né qui débarque. Année zéro pour un nouveau départ certes, mais aussi pour un temps de bilan sur lequel on retrouve tous les styles dans lesquelles elle a officié et beaucoup d’artistes et d’auteurs qui ont traversé sa vie.

C’est le premier album sur lequel vous vous êtes lancée vous même dans la composition…

Pendant les balances de la tournée précédente je prenais les guitares des musiciens et je faisais mes chansons. Donc Philippe Eveno qui m’accompagne, Olivier Libaux qui a fait Nouvelle Vague et mon mari de l’époque, Philippe Katerine, me disaient : « Elles sont bien tes chansons, pourquoi tu ne les fais pas ? ». Mais même si je les ai mises sur Internet, je pensais à l’époque que je ne ferai plus de disques puisque l’homme qui m’avait toujours accordé une liberté incroyable avait été remercié par ma maison de disques. Puis les années ont passé, j’ai fait du cinéma. Évidemment entre-temps j’écrivais des chansons, sans penser au système commercial. C’était pour moi, parce que ça fait partie de ma vie, c’est naturel. Jusqu’à ce que ma manageuse arrive à me convaincre. Et quand on a plongé le nez dans ce que j’avais dans les tiroirs il y avait déjà une trentaine de chansons, les miennes et certaines d’autres personnes.

Il a fallu choisir dans cette trentaine de titres du coup. Le tri a été évident ?

Oh non pas du tout. Cela a été très compliqué ! Alors on a fait le choix du non-choix. On a décidé de laisser tout ça très hétéroclite, de partir dans tous les sens. Après, le fait de dire que chaque chanson est dédié à un homme qui a traversé ma vie, c’est une fiction, un film, une scénarisation de l’album qui n’est pas une réalité à 100 %. C’est-à-dire que celles que j’ai faites oui, mais pour les autres, évidemment qu’elles appartiennent à l’auteur à chaque fois et que je ne fais que les interpréter. Ce n’est pas un journal intime. C’est un prétexte que je prends pour un fil rouge. Par exemple Tom, je ne le connais pas, c’est le Tom de la chanteuse Mai Lan qui a signé les paroles. Elle doit le connaître mieux que moi. Il y a aussi deux chansons d’un groupe que j’ai trouvé sur le net et qui s’appelle Minuscule Hey. Bref en tous les cas le choix de l’éclectisme est réel. Tous mes albums précédents avaient leurs propres tronches et celui-là il a la tronche de tout ce que j’aime.

Et il y a beaucoup de choses que vous aimez, on passe aisément d’un rock à une pop ou une country, de choses très synthétiques à d’autres très old school. Vous avez toutes ces facettes ?

Absolument. J’ai souvent entendu cette réflexion d’ailleurs : « Fais un album cohérent ». Mais ça veut dire quoi ? Il faudra que l’on m’explique où on met la cohérence. Parce que il est totalement cohérent avec moi ce disque. C’est très personnel, mais je pars du principe que, comme on meurt, je veux tout expérimenter. Je n’ai pas envie d’être spécialiste. Peut-être que c’est stupide, que je serais plus douée si j’avais choisi une voie uniquement très rock et sombre. Mais je n’ai pas envie, je ne sais même pas quelle femme je suis, quel déguisement de femme je prends. Tout ça ce ne sont que des codes. Il y a des jours où je mets une jupe et les talons, des jours où je prends plutôt un côté mec… je n’ai pas envie de choisir au milieu de tout ça. Maintenant je n’essaie pas la musique indienne ni africaine parce que je ne les ai pas reçu en héritage, mais sinon je l’aurais fait aussi, avec le reste.

Concernant la voix aussi vous n’hésitez pas à jouer dans plein de registres. Vous êtes parfois lolita, parfois très profonde, et vous aimez les superpositions du grave et de l’aigu. Pas uniquement dans le duo avec la comédienne Anna Mouglalis d’ailleurs, même quand vous chantez seule vous doublez parfois votre voix de cette manière…

J’aime bien, en effet, mais c’est venu surtout des deux chansons que j’aurais dû chanter avec Federico Pellegrini (NDA: French Cowboy, ex Little Rabbits avec qui elle a fait un album duo en 2006, Bang!). Devant les faire seule, j’ai automatiquement chanté les deux voix. Du coup je me suis amusée à doubler. Et puis, pendant toutes ces années passées à la maison à faire mes chansons moi-même, comme je n’avais pas d’instruments et que je ne sais pas en jouer, j’ai rattrapé par beaucoup de superpositions de voix pour faire entendre ce que je voulais. Quant au duo avec Anna, je voulais un homme au départ et puis j’ai trouvé cette femme-là avec sa voix tellement incroyable. C’était bien d’avoir une mise en abîme, une chanson de femmes amoureuses.

Un autre duo présent c’est celui que vous faites avec votre sœur Lio. Sa présence est étonnante maintenant que vous étiez enfin débarrassée de la référence « sœur de » que l’on vous a bombardé pendant des années…

Justement. Maintenant ça va. Le plaisir que j’ai d’être avec elle a été bien gâché par tout ça. Je m’interdisais de chanter avec elle et d’apparaître avec elle. Alors maintenant ce plaisir-là, il est temps de le retrouver. On a déjà laissé passer trop de temps en étant encombrées par ça. Mais encore aujourd’hui cela peut m’énerver quand on m’en parle. Et la forme par laquelle certains journalistes l’amènent peut m’agacer. Puis ce qui m’amusait c’est que cette chanson est un duel. Je trouvais ça drôle parce qu’en substance elle dit « Ne l’enlève pas de ta tête mais une de nous va disparaître, je ne sais pas quand mais ça va arriver ». C’est drôle !

Propos recueillis par Marjorie Risacher

Découvrir :
Helena Noguerra – The end of the story