Interview avec Frédéric Moget, Directeur Général de Paramount France

 

A l’occasion de la sortie en salle du film Mean Girls, le Directeur Général de Paramount France, Frédéric Moget, répond à nos questions sur les liens entre musique et cinéma.

 

1517614850646.jpegBonjour Frédéric. Les chiffres 2023 sont tombés, c’est une bonne année pour le cinéma en France !

La France n’est pas encore tout à fait revenue au niveau d’avant Covid, mais c’est un des pays qui a le mieux rebondi. En effet il y a un vrai amour du cinéma en France, ce que nous avons pu constater chez Paramount avec le film Babylon, qui est lui-même une déclaration d’amour au cinéma et qui a très bien fonctionné. Le contexte français est aussi particulier : il bénéficie d’un cercle vertueux entre le cinéma français et le cinéma américain, le succès de l’un fait le succès de l’autre, et tout cela est très enthousiasmant.

En quoi la musique contribue-t-elle au succès des films ?

Dès les débuts du cinéma, musique et films sont liés puisque les films muets étaient systématiquement accompagnés de musique. La musique fait partie de l’intimité du film, elle en est à la fois un acteur à part entière, mais aussi une extension de chaque acteur. En tant que spectateur, nous avons tous pu ressentir à quel point la musique nous permet d’aller au-delà des dialogues ou de l’image, à quel point elle ouvre une fenêtre sur des émotions plus grandes. Actuellement nous travaillons sur la sortie de la suite de Gladiator, or dès qu’on entend les premières notes du thème le plus connu du film, on est immédiatement transporté non seulement dans le premier film, mais aussi dans les émotions que nous avions vécues alors. Et il y a des tas d’exemple : Le Parrain, Top Gun… Certaines chansons sont presque devenues les « cartes de visite » des films, elles ont un rôle crucial dans leur promotion, comme My Heart Will Go On de Céline Dion pour Titanic, où plus récemment Hold my Hand de Lady Gaga pour Top Gun : Maverick. Le succès du film et le succès de la chanson se répondent l’un l’autre et permettent de rendre l’événement plus important encore.

 

Comment se fait le choix des compositeurs et musiciens, privilégiez-vous les artistes confirmés ou donnez-vous aussi leur chance à des artistes émergents ?

Paramount France n’est pas l’origine des projets, en revanche nous avons la possibilité de travailler avec des artistes Français. Quand y a une cohérence, nous essayons de nous rapprocher d’artistes dont l’univers est proche du film que nous distribuons. Par exemple, pour le dernier Transformers qui se passait dans les années 90, nous avons travaillé avec MC Solaar qui a refait une version de sa de sa chanson Tout se transforme.

Généralement nous travaillons avec des artistes dont nous connaissons déjà les univers, mais nous avons aussi fait appel à des artistes plus émergents, en particulier pour des remix comme sur Top Gun ou Mission Impossible.

 

Dans un marché international, les spécificités locales de la musique sont-elles prises en compte ou capitalisez-vous sur des valeurs internationales ?

On peut tout à fait avoir une coloration locale de la musique pour la promotion du film. Soit celle-ci est intégrée dans le film ou dans le générique, comme par exemple L’Emprise de Mylène Farmer pour Donjons et Dragons, soit elle est indépendante avec une chanson lancée au moment de la sortie du film, comme avec Amis d’Aldebert pour Pat’Patrouille.

La musique joue évidemment un rôle dans la promotion du film, en apportant aussi bien universalité que lien avec la France. Les artistes français permettent ce lien entre un film à vocation mondiale et une appropriation plus locale.

Mean Girls est l’adaptation de la comédie musicale du même nom, elle-même adaptée du film sorti en 2004. Comment avez-vous travaillé sur la BO ? Y-a-t-il une évolution musicale entre 2004, la comédie musicale et le film de 2024 ?

Tina Fey a pris le meilleur du film de 2004 et le meilleur de la comédie musicale de Broadway, pour en faire un film très actuel, car la vie dans les high schools américaines entre 2004 et aujourd’hui a évidemment évolué. Il s’agissait donc d’avoir à le fois le fun, l’énergie, le côté spectaculaire que la musique apporte, mais aussi de préserver l’émotion et l’aspect plus intime transmis par le cinéma.

Jeff Richmond, également compositeur de la comédie musicale, a conservé les chansons de cette dernière tout en les adaptant à la version cinématographique. L’orchestration a été complètement revue dans un style pop rock, style qu’on retrouve à l’écran avec un aspect proche des clips musicaux. Jeff Richmond a aussi créé deux chansons supplémentaires pour le film, avec le parolier Nell Benjamin, et l’actrice et chanteuse Renée Rapp. D’ailleurs l’une de ces deux chansons, It’s not my fault, cartonne déjà sur YouTube !

En février Paramount sort  le film Bob Marley : One Love. Comment avez-vous travaillé sur la musique de cet artiste emblématique ?

En travaillant sur le film, nous nous sommes rendus compte que Bob Marley est un artiste toujours actuel, apprécié aussi bien par les jeunes que par les gens plus âgés. Il était donc important de préserver l’authenticité dans ce film, qui a été réalisé en étroite collaboration avec la famille de Bob Marley. Il était indispensable d’être au plus proche de la réalité, car le film va permettre de revivre et de découvrir ce qu’il y a derrière les chansons que nous connaissons tous, notamment les paroles, souvent plus politiques et rebelles qu’on ne l’imagine. Le maitre mot était donc de respecter l’artiste pour découvrir l’histoire derrière la star mondiale.

Quel est votre sentiment vis-à-vis de l’engouement du public pour les ciné-concerts ?

Cela confirme parfaitement le rôle organique que joue la musique dans l’expérience cinéma. C’est une façon de mettre cette dimension très forte de l’expérience cinéma encore plus en avant. Et tout ce qui permet d’amener les gens au cinéma et à la musique est positif !

Quels sont vos compositeurs de films préférés ?

Evidemment Justin Hurwitz, car que j’ai eu la chance de distribuer Babylon dont la musique est absolument incroyable, et parce qu’en tant que spectateur j’ai écouté en boucle la musique de La La Land. Bien sûr Hans Zimmer, qui est le grand maitre de la musique de films. Et côté français, je citerais Alexandre Desplat, Georges Delerue, sans oublier Michel Legrand.

Une bande-son originale pour survivre sur île déserte ?

Pour survivre et s’évader, la musique de Gladiator de Hans Zimmer. Pour se dire que tout va bien se passer : Three Little Birds de Bob Marley. Another Day of Sun de La La Land. Les ballons rouges de Serges Lama pour me rappeler mon enfance. Et puis parce que je l’aime beaucoup, La folle complainte de Charles Trenet.