Delano sans orchestra

Joli comme un bouquet de soie, cet album respire la douceur et le bien-être à travers des textes malins et des ambiances pop classe. Alexandre Delano, leader et chanteur du groupe The Delano Orchestra, réussit de manière magistrale un premier album sous son nom et en français. Il nous cueille au fil des thèmes du sentiment et de l’aquatique pour nous plonger dans une « Eau » limpide avec une élégance certaine. La preuve que l’on peut vivre d’amour et d’eau fraîche pendant au moins dix titres. Rencontre.

Un album en français et en solo, c’était prémédité ?
Oui je crois. L’événement qui a le plus créé le bouleversement c’est la naissance de ma fille. Je ne sais absolument pas pourquoi mais tout d’un coup j’avais l’impression que cela avait moins de sens de chanter en anglais. J’avais le besoin de quelque chose de plus direct. Émilie, ma compagne, déteste la chanson française, mais quand j’ai écrit La Piscine – je la lui chantonnais souvent – et elle disait que finalement ce n’était pas mal. Et puis il y a eu notre travail à tous les deux sur Le Cahier Bleu (NDR : collection de livres de photos et textes sur la baignade, signés Émilie Fernandez et Alexandre Rochon) dans lesquels on a écrit des textes et des sortes de poèmes dont certains ce sont transformés en chansons. On rajoute à ça l’album que l’on a fait avec Jean-Louis Murat et on a toutes les données qui expliquent pourquoi je me suis lancé là-dedans. Avec lui on avait une journée de studio de rab et il m’avait dit : « Je te la donne si tu écris une chanson en français ». C’est à ce moment que j’ai adapté Orage qui figurait dans Le Cahier Bleu.


En réalité vous avez enregistré deux albums en même temps, l’un en anglais avec Delano Orchestra et celui-ci sous votre nom qui sort en premier…

Absolument. Ce qui est bien c’est qu’on a enregistré très vite avec le groupe, du coup je me suis dit que j’avais le temps d’enregistrer un album de Delano en anglais puis, sans trop de risque, enregistrer un dix titres en français dans la foulée, en me disant qu’on verra bien ce que ça donne. Au début j’avais peur de le montrer aux musiciens. Je me disais qu’ils allaient trouver ça idiot, pas bien. Et en fait ils ont plutôt été encourageants. Le fait que ça soit sous mon nom était évident, même avant de l’écrire, mais ensuite je me suis posé des questions puisque j’allais le jouer avec le même groupe. Mais comme l’objet déviait beaucoup de ce que l’on propose habituellement au public de Delano Orchestra, je trouvais que c’était un peu leur mentir que de le sortir sous le nom habituel.

Vous ne vous êtes pourtant pas interdit de reprendre les mêmes éléments pour les arrangements de ce disque, un peu de cuivres et des cordes… ce qui fait votre signature en général.
En fait, je m’étais déjà dit ça quand on travaillait sur le disque de Murat : Delano Orchestra c’est devenu six individualités même si cela reste mes morceaux. Chaque musicien y apporte une matière sonore particulière. Cet arrangement violoncelle-trompette, sans être absolument hors du commun, crée quelque chose de suffisamment particulier pour que tout le monde nous en parle. Puis de toutes les façons, quand on a la chance d’avoir des musiciens comme ça, à côté de soi, on ne pense pas à aller ailleurs.

Ce qui change en revanche c’est cette étonnante quiétude, cette sérénité qui semble illuminer toutes les chansons, un bien-être que l’on vous connaissait peu, non ?
C’était assez bizarre parce qu’à force d’écrire des trucs sombres sur ma vie, je m’étais même demandé parfois s’il ne fallait pas que j’arrête de faire de la musique. Et en même temps on est toujours attiré par ça. Comme on a enregistré deux albums dans le même temps, mon côté obscur est encore présent dans l’album de Delano Orchestra, du coup je ne suis pas frustré ! Et le côté léger et bien-être est d’autant plus là sur Eau que l’on enregistrait sans même savoir si ça allait sortir réellement. Du coup on s’amusait.

Il y a la voix féminine (incarnée par Émilie) qui tient une grande présence. Elle double souvent la vôtre. Même dans les dialogues, le choix est d’entendre les deux à la fois plutôt que les deux qui se répondent.
En live on se répond mais en effet pas sur le disque. Si on doit assumer des faiblesses peut-être que cela fait partie des choses non abouties. Ou alors c’est parce qu’on s’est rassuré en se disant que le mélange fonctionne et que c’est joli. Sur l’album de Delano Orchestra on a fait un titre où les deux voix se répondent réellement. Mais il fallait assumer de chanter ce premier album en français, c’était du coup peut-être plus facile comme ça. Puis cela permet d’avoir un mélange de genres dans les personnages, l’histoire. Finalement peu importe que cela soit celle d’un homme ou une femme.

Vous n’avez pas l’impression d’avoir fait l’album le plus intime de votre carrière ?
Tous les disques que j’ai faits sont intimes, mais là ça le devient encore plus, c’est vrai. Il y a ma fille, ma compagne, les voyages que l’on a faits, notre passion pour la baignade… C’est très particulier. J’ai tendance à être très pudique et, à la fois j’ai envie d’un genre de transmission. Et je pense même que c’est mon métier : transmettre.

Propos recueillis par Marjorie Risacher

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Crédit Photo : © Émilie Fernandez

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