Mai
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On n’y croyait plus à ce quatrième album de Bloc Party. Pire : il semblait évident que le groupe londonien s’arrêtait là. Leurs déclarations et le lancement de la carrière solo de Kele Okereke (le leader de la formation) venaient appuyer la théorie de la disparition non annoncée mais entérinée. Et puis soudain, sans que l’on sache vraiment si l’envie leur en a repris aussi vite que ce qu’il faut à un phœnix pour renaître, est arrivé ce « Four ». Surprise donc. Et dans tous les sens du terme.
À leur apparition sur les ondes en 2005, Bloc Party avait tellement remué les oreilles de l’Europe et de l’Amérique du Nord qu’on les classait parmi les groupes indies rock fondateurs de ce début de siècle, au même titre que Franz Ferdinand ou Artic Monkeys. Il faut dire que leur premier album « Silent Alarm », contrairement à ce qu’il annonce, avait fait du bruit. Le quatrième morceau de l’album, Banquet particulièrement, extraordinaire titre inspiré qui reste encore aujourd’hui taillé dans le bois des incontournables.
Et puis, au fur et à mesure de leurs disques, le quatuor anglais a prouvé qu’il ne voulait en aucun cas se répéter, qu’il n’est de plaisir dans la musique que celui de décaler les styles, varier les genres et évoluer malgré les protestations. C’est donc ce que Kele, Russell, Matt et Gordon ont pratiqué, jusqu’à ce « Intimacy » de 2008 qui envoyait valser leur première identité musicale pour un visa électronique inattendu. Ensuite, face à la perplexité des fans de la première heure, il y eut le silence. Plus rien. Sinon des bruits de groupe froissé par une fatigue et une popularité acquise dès les premières notes.
Aventure solo
En 2010, le chanteur du groupe sortait un album solo « The Boxer » avec pour signature son seul diminutif, Kele (son prénom entier étant en réalité Kelechukwu). Le dernier virage amorcé par le groupe donnait le ton : Kele tournait le dos au rock pour se plonger dans de l’électro de dancefloors quelque peu mâtiné de quelques éléments punks ou hip hop. Un disque qui, il faut l’avouer, a laissé le monde de la musique assez imperméable, troquant le mot « succès » par des soupirs d’incompréhension. Et au sein de ces quelques années qualifiées de sabbatiques par le groupe, se sont enchaînés les déclarations et aveux : Gordon, Matt et Russel se paient des tranches de répétitions sans leur frontman, Kele part s’installer à New York pour se lancer dans l’écriture de nouvelles.
Rock party
Rien ne laissait augurer donc ce soudain quatrième album intitulé si justement « Four ». Ni son existence, ni même son contenu. Parce que la surprise est double : adieu les beats et les boucles, retour au rock et ses guitares enragées. Même à l’excès puisque cette fois le rock alternatif est à l’honneur et pointe ses riffs bruts pour une bonne partie des titres. Teinté du passé des années 1990, voire 1980 par endroits, il y a un quelque chose là-dedans qui sonne désormais un tantinet plus américain et conventionnel, un parti pris du frontal et du rudimentaire. C’est d’ailleurs bien la première fois que les quatre anglais se tournent vers le passé, eux qui nous avaient habitués à la théorie de l’évolution constante.
Alternant les plages rageuses et calmes, embarqué dans le grand huit des titres de haute volée et ceux d’intérêt discutable, Bloc Party signe un disque de tenue instable mais réjouissante. Et la presse spécialisée ou les fans désormais infidèles ont beau donner de la plume et du gosier pour dire combien ils sont désappointés, « Four » offre de vraies minutes de plaisir (Octopus, We Are Not Good People ou l’intelligent Real Talk)
Reste à savoir s’il s’agit là d’un album ultime qui signe une tournée d’adieu ou si des envies communes continueront de faire vivre Bloc Party. Et de nous surprendre.
Marjorie Risacher
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