Benjamin Clementine : et la grâce fût

Benjamin Clementine, c’est un personnage de conte de fée, un être qui se croyait crapaud et que la musique a révélé en prince. Les galères de la précarité et du métro se sont transformées en un premier album magnifique : « At Least For Now » (Au moins pour le moment). L’histoire de la vie dépasse celles des fictions.

Il était attendu ce disque-là, mais pas au tournant tant la certitude de sa beauté n’échappait à personne. Il était attendu avec l’impatience que la voix habitée de ce grand gaillard et ses deux premiers EP avaient su faire naître. L’histoire de Benjamin Clémentine, on la connaissait déjà depuis deux ans. Tout le monde se racontait cet Anglais d’origine ghanéenne qui, à vingt ans, fuit son quartier pauvre de Londres pour venir dormir dans les rues de Paris et jouer dans le métro où il se fait repérer par des professionnels de la musique. Et c’est à ce moment que le jeune à la dérive se transforme en égérie des chroniqueurs et du public.

Toute une vie dans un album

« At Least For Now », c’est l’autobiographie de ce parcours chaotique, de ces perditions de misère. Mais le faux procès n’est pas à faire : l’engouement vient moins d’une histoire incroyable que d’un talent remarquable. Les onze titres ont la couleur des grandes chansons, l’humeur de la soul, l’accent du blues, la finesse du jazz et l’élégance de la classique. Benjamin Clementine, c’est tout cela en même temps, un inclassable qui a la liberté de Nina Simone et la grandiloquence de Léo Ferré. C’est même parfois terriblement inventif et surprenant.

Une voix ? non, une âme…
Le piano est le compagnon le plus présent, participant très largement à la majesté de l’album piqué ça et là de cordes et de percussions. Mais il y a surtout la voix, investie de tous les mots, habitée par une âme, rare. Elle chante, elle s’écorche, elle s’époumone, elle vit. Bref, Benjamin Clementine est un conteur hors pair qui mélange le velours et le bois. C’est à la fois intense, dense et délicat. C’est le lyrisme du XXIe siècle.

Emblématique sur scène

Sur scène l’homme prend toute sa mesure. Pieds et torse nus, il offre une intimité qui a déjà fait se lever un sacré paquet de salles. La seule chose que l’on pouvait d’ailleurs craindre c’est que la magie n’opère pas, enfermée dans les sillons d’un CD. Voilà le soupçon écarté : « At Least For Now » n’a en rien à rougir et est à la hauteur de son géniteur. À écouter absolument.

Marjorie Risacher

Découvrir :

Benjamin Clementine – Nemesis

Crédit Photo : © Micky Clement

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