Arctic Monkeys : american way

Le cinquième album de Arctic Monkeys, AM, prend des airs américains et des allures de grandes personnes. Les quatre garçons de Sheffield ont mûri leur rock en confirmant le virage des tons plus assagis et des sons plus métissés.

En huit ans, les Anglais menés par leur leader Alex Turner ont quelque peu ébranlé la planète rock. Découvert et imposé par leurs fans via Internet, ils avaient battu tous les records de vente d’un premier album en 2005 avec Wathever People Say I am, That’s What I’m Not. Ils faisaient alors un rock puissant et frénétique. C’est depuis leur troisième disque Humbug (2009) qu’un virage s’était largement amorcé : le côté british s’estompait pour laisser place à une inspiration bien plus ancrée aux États-Unis. Et pour cause : c’est depuis cette époque que la Californie accueille leurs enregistrements et Josh Homme, frontman des Queens of The Stone Age, prend une large part à leurs productions. AM signe et confirme donc la traversée outre-Atlantique avec, en guise de cerise sur le cupcake, une tendance encore plus insistante à l’apaisement et aux mélanges de genres.

Nouvelles voies

AM c’est évidemment les initiales de Arctic Monkeys, mais c’est également une façon subtile de rendre hommage au Velvet Underground qui avait déjà utilisé ce procédé en 1985 avec leur compilation d’inédits VU. Et l’énergie post-adolescente dont le groupe faisait preuve à leurs débuts s’est presque définitivement envolée. Place aux compositions plus posées, aux rythmes plus lents et lourds. Les riffs restent souvent gras et la frappe massive. Mais de manière encore plus évidente que sur les deux précédents disques (Humbug et Suck It and See), Turner et ses complices ont expérimenté de nouvelles voies. Un rock assagi tendant souvent vers une pop peu britannique mais très imprégnée du pays de l’oncle Sam. Une ou deux petites incursions encore timides d’inspiration hip-hop. Et des ballades qui sentent la old school dont on ne sait pas bien si les marées sont des années 1960 ou 1970. Un rock mi-hard, mi-tendre sur lequel les chœurs planent en force, parfois trop, parfois inutilement. AM est sombre, néo glam, adulte.

La voie des possibles

La voix d’Alex Turner, impeccable, jouant de tout et le prouvant (à la limite du crooner aux moments des deux slows à l’ancienne), n’a presque rien gardé de ses éraillements d’adolescent. Il en reste tout de même une trace fugace sur le hit R U Mine ? ou l’excellent Snap Out of It. Ce dernier, air un peu taquin et malin, est sûrement l’une des plus grandes réussites de l’album (avec le plus vif Fireside). Mais l’ensemble se tient dans une efficacité redoutable et une production irréprochable.

L’ombre américaine plane sur Sheffield

On peut sûrement regretter qu’aucun cheveu ne dépasse d’ailleurs : il règne dans AM une certaine odeur très américaine de propre et de strict. On peut également trouver que l’ombre de Josh Homme y plane un peu trop, imprégnant sa patte comme une signature à laquelle on n’échappe pas. On peut enfin avoir la nostalgie des quatre gamins de Sheffield et de leur spontanéité anglaise et musicale. Mais ce qui est sûr c’est qu’à même pas trente ans de moyenne d’âge, Arctic Monkeys propose un cinquième bébé magistral.

Il y a du génie là-dedans et une route encore immense à faire. Les singes sont décidément moins arctiques que savants. Talent indiscutable.

Marjorie Risacher

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Arctic Monkeys – Do I Wanna Know?