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« La Vie Électrique » d’Aline donne le courant alternatif entre claviers et guitares, rythmes et errances. Ce deuxième album du quintet marseillais est une pop lumineuse et dansante qui éclate en bulles de textes désenchantés et plus sombres. Rencontre.
Ce qui frappe d’emblée c’est le choix d’avoir un album bien plus produit et plus riche en genres que le précédent… Vous étiez partis dans cette idée dès le départ ?
Oui, et on voulait même quelque chose de bien plus produit que ça encore, parce que même si c’est plus cossu que le premier, au final ça sonne quand même assez live. Mais on n’avait que dix jours en studio, ce qui n’est pas très long donc on y est arrivé avec des morceaux déjà très arrangés, les pré-prods étaient très avancées, quasiment définitives. Et c’est vrai que c’est aussi bien plus large en genres que le premier. Ce n’est pas seulement une question de volonté, je crois que c’est aussi parce qu’on se fait plus confiance. On s’était rendu compte avec « Je bois et puis je danse » qu’en abordant un style funk blanc dont on n’a pas vraiment les codes, on peut arriver à quelque chose d’assez singulier qui tient la route. C’est ce qui est intéressant dans l’art, sans maîtriser tout à fait les règles on peut arriver à un résultat original. Donc assez naturellement on a ouvert la palette, cela aide à se renouveler.
Ce renouvellement vous était évidemment nécessaire pour un second album ?
Oui. Même si c’est surtout sur les troisièmes albums que les artistes changent les choses, nous on l’a fait tout de suite. On a tellement d’influences différentes qu’on voulait s’en servir au maximum. Puis on est cinq, cela multiplie les envies. Après, on n’est pas tous égaux dans l’apport ; ça ne peut pas être complètement démocratique. Ça ne peut pas fonctionner si chacun apporte ce qu’il a envie de faire. Mais on tombe facilement d’accord, il n’y a jamais de tensions. Il n’y a que des envies.
Vous avez travaillé avec Stephen Street qui a produit les Smiths, Blur, New Order… mais jamais de groupes français auparavant. Quel a été son apport ? D’assumer vos choix de départ ? De les appuyer ?
Oui c’est ça. Il ne veut pas révolutionner un groupe. Il veut mettre en valeur le son, pas nous faire sonner à la Blur ou à la Smith. Ni même bouleverser ce qu’on avait trouvé puisqu’il aimait le matériau de départ.
En revanche vous avez des claviers qui sonnent assez années 1980. Comment a-t-il réagi à cela ?
Ce n’est pas son truc c’est sûr ! On a un peu bataillé au mixage pour les faire remonter. Nous, on voulait vraiment mettre ces claviers en avant pour une histoire de couleur, de nappes, d’ambiance, de la profondeur ou de la légèreté que cela peut apporter. Et c’est vrai que Stephen Street préfère les guitares. C’est le seul point de dissension qu’il y a pu avoir. Mais il a été léger.
Votre image est très souvent celle d’un groupe pop léger, dansant, guilleret. Alors qu’en réalité vous jouez sur un gros contraste musique/ paroles. Vos textes sont très sombres.
Cela vient naturellement, comme ça. Cela fabrique une nuance. On est toujours dans un entre-deux, cela surfe entre plusieurs sentiments à la fois, parfois contradictoires. C’est partagé entre une tristesse contemplative et des morceaux plus hédonistes comme La Vie électrique. Il y a toujours ce contraste entre le croustillant et le mou.
Même les titres que vous qualifiez d’« hédonistes » sont des déguisements, parce que La Vie électrique – puisque vous le citez – est quand même une histoire de fin de nuit passée à l’hôtel avec une inconnue. Il y a là dedans une errance, une perte.
Oui c’est vrai. C’est aussi la peur du lendemain, la peur du jour qui se lève et qui met fin à l’oubli que propose la nuit. On n’a pas envie que ça s’arrête et il y a un côté un peu désespérant, c’est vrai.
Il y a souvent du désenchantement dans les textes, c’est presque désabusé mais il y a toujours un genre de lumière aussi. Parfois dans les mots mêmes, mais souvent dans la musique et son tempo. Cela contrebalance. D’ailleurs c’est la fête en concert, tout le monde danse. C’est vrai qu’on a souvent entendu « ouais c’est super je pars en vacances en mettant Aline dans la voiture, c’est l’été ». Cela nous fait sourire mais c’est chouette aussi.
Est-ce que votre tracklist suivait une histoire d’ensemble ou est-ce un hasard si la chanson La vie électrique enchaîne sur Les Angles Morts qui parle d’un homme seul dans la ville au petit matin sortant du lit d’une inconnue… ?
On l’a moins pensé comme une histoire que pour le premier album. Le fil rouge dans ce cas, ce serait plus la couleur, le côté plus nocturne, plus sombre, plus urbain. Maintenant pour ces deux titres précisément on n’avait jamais fait attention, et c’est vrai qu’ils se suivent très bien. Cela justifie même le choix du deuxième single, c’est la suite de l’histoire. Merci ! Parfois on écrit sans se rendre compte des choses, ce ne sont finalement que des autobiographies arrangées, mises en scène.
Il y a des chansons particulières aussi comme Plus Noir Encore. C’est un interlude presque instrumental avec des apports dub et une rythmique reggae en filigrane…
L’espèce d’haïku qu’il y a dessus n’existait pas au départ. Ce titre devait être instrumental. Comme on en avait déjà mis un dans le premier, on aimait bien l’idée d’en avoir à nouveau un. Quelque chose de cinématographique qui fait que l’on souffle un peu, qu’on oublie les textes. Et on laisse divaguer son imaginaire. C’est une espèce de marche lente, avec un mélodica qui arrive en apportant de la mélancolie.
Votre titre final Promis Juré Craché est également à part. C’est un genre de punk tout en dérision, qui se moque du chanteur fatigué…
Celui qui se demande s’il arrête là ou s’il continue, en effet. Et c’est vrai que parfois on peut être lassé. Il y a dans ce métier les longueurs, l’échec, les questions perpétuelles sur soi, sur son art… En fait, malgré les apparences de dérision, c’est très autobiographique. Au moment où ce texte a été écrit, la journée avait été consacrée au doute. Mais le titre, on l’avait depuis longtemps. C’était un autre morceau avec d’autres paroles dessus qui n’avait rien à voir. Pareil pour la Vie Électrique d’ailleurs. On avait déjà un titre instru qui s’appelait comme ça. On est assez fort en recyclage. On aime bien les titres un peu forts, qui sonnent un peu slogan. Et quand ça claque mais que le morceau ne fonctionne finalement pas vraiment, on n’hésite pas à recycler.
Propos recueillis par Marjorie Risacher
Découvrir :
Aline – Chaque jour qui passe (session acoustique)
Crédit Photo : © Paul Rousteau
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