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De PJ Harvey à Lou Doillon, rares sont les artistes féminines actuelles qui n’ont pas été influencées par Patti Smith. Par sa voix, ses écrits, son style aussi. Portrait d’une icône.
30 décembre 1946. En naissant dans une famille aux revenus précaires, dans le froid du New Jersey, Patricia Lee Smith ne semblait guère vouée à un destin glorieux. Et pourtant ! Si elle découvre tôt l’attrait de la lecture, suffisamment pour vouloir devenir institutrice, une grossesse non désirée la fait changer de cap. Après avoir fait adopter le bébé, elle cherche à se réinventer et, quelques cents en poche, débarque dans une New York qui la fait rêver. Ce qu’elle racontera plus tard dans son livre best-seller, Just Kids. La rencontre avec le photographe Robert Mapplethorpe, son quotidien bohème, sa soif d’arts sous toutes ses formes. En 1975, elle impose sa musique, d’un rock à la fois cérébral et hédoniste, avec un premier album, Horses. Elle y porte une large chemise d’homme blanche et des bretelles qui instaurent son style à la fois sexy et androgyne, serti de moult gri-gris et badges, et de godillots qu’elle ne quitte guère. Dans ses mémoires, la guitariste du groupe punk anglais The Slits, Viv Albertine, se souvient de l’importance que Patti Smith a exercée sur elle : « Voilà une personne réservée qui ose se lâcher devant tout le monde, elle s’expose et prend le risque de se ramasser. »
Ses performances habitées, quasi chamaniques, entre hymnes libérateurs (Power to the People) et promenades chamaniques (Radio Ethiopia) sous influence d’Arthur Rimbaud, dont la poésie l’accompagne jusqu’à aujourd’hui, font d’elle une figure incontournable de la scène new yorkaise. Et l’une des rares femmes à s’imposer dans ce circuit viriliste… Et à enchaîner les albums : Easter (1978) et Wave (1979). Entre temps, elle a sorti l’un de ses plus gros tubes, écrit à quatre mains avec Bruce Springsteen : « Because the Night ». Lorsqu’elle épouse le guitariste Fred « Sonic » Smith, avec qui elle accueille deux enfants, Patti se retire provisoirement de la scène. Elle souhaite mener un quotidien de famille sereine et ne publie qu’un seul album, Dream of Life (1988), au sein duquel brille sa plus grande protest song : People Have The Power. Maman attentive, certes, mais toujours attentive aux maux du monde.
Lorsque son bien-aimé décède, en 1994, Patti est confrontée au deuil, au manque et à une certaine solitude. Elle a alors recours au meilleur moyen qu’elle connaît pour (sur)vivre : l’art. Gone Again (1996), Peace and Noise (1998), Gung Ho (2000), Trampin (2004)… Jusqu’au dernier en date, le superbe Banga (2012), ses disques solos résonnent d’une volonté à collaborer autant que possible avec l’autre. En témoigne ses récents travaux avec le très hype Soundwalk Collective, qui la mène jusqu’à une exposition au Centre Pompidou !
Car ce que Patti Smith a réussi là où beaucoup de rockeurs ont échoué, c’est d’accéder à une reconnaissance arty littéraire sans précédent. Depuis le succès de Just Kids (2010), elle publie régulièrement des récits autofictionnels, souvent oniriques, toujours référentiels. Ce qu’elle psalmodiait face au micro, elle le couche sur papier. De tous les combats pacifistes, dénonçant les inégalités sociales, sensible à la fluidité des identités, Patti Smith a non seulement marié punk seventies et spoken word, mais également un look atemporel et un engagement socio-politique sincère. En cela, elle incarne profondément ce qu’elle est : une femme issue de la classe ouvrière qui a réussi, grâce à sa pugnacité et sa passion pour la poésie, faire résonner sa voix… dans le monde entier.
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