Mai
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Une fois par mois, RIFFX vous invite à son rendez-vous original sous la forme de chroniques musicales. Les 5 albums du mois d’avril 2022 – avec Muddy Monk, Kurt Vile, Jack White, Fontaines D.C. et November Ultra – c’est tout de suite !
“Gauche droite, plus fort/Mille et une traces sur ton corps/Et cette mélodie qui reste”, chante Muddy Monk dans Soldat Boy, un titre qui lui colle à la peau comme la combinaison moto vintage qu’il arbore régulièrement sur les photos de presse. Depuis son apparition avec Première Ride (2016), avec un certain Ichon au générique, le natif de Fribourg est rapidement devenu l’un des plus captivants espoirs de la pop francophone. Derrière ses moustaches, son air faussement nonchalant et rêveur, le trentenaire fourmille de mille et une idées sonores, entre retrowave contemplative et variété synthétique. Quatre ans après un premier album, logiquement baptisé Longue Ride (2018), qui l’a révélé en dehors de sa Suisse natale, Guillaume Dietrich en livre un successeur fort attendu, joué en intégralité au Pitchfork Music Festival Paris à l’automne dernier devant un auditoire qui le découvrait en direct dans la prestigieuse Salle Pleyel.
Amorcé avec la mixtape Ultra Tape (2020), qui offrait “sa vision un peu désespérée de la vie et du monde” après des deuils successifs, Muddy Monk confirme le virage radical et bruitiste de ses récentes productions, trouvant un savant équilibre entre romantisme rêveur (Face ou pile) et expérimentation sonore (Intro, audacieux premier choix de single). Même quand elles virent plus âpres (Satin Dolls, TR, 3546.85°C), les mélodies s’instillent dans l’oreille à la manière d’un murmure continu, grâce à une voix aussi familière qu’insidieuse : “Forcément j’ai joué le crocodile/Pleuré cent larmes pour d’autres filles.” Et si l’on reconnaît ses tourneries imparables dès les premières notes (Suzie, Smthng), Ultra Dramatic Kid, composé et enregistré à Fribourg pendant un hiver covidé et désillusionné, offre la vision d’un Muddy Monk en pleine lévitation, ainsi immortalisé par son fidèle compatriote illustrateur Dexter Maurer. Édifiant une discographie composite, imprévisible et passionnante depuis le mitan des années 2010, Muddy Monk a décidément l’art et la manière de distordre la pop francophone comme personne.
“J’ai lu beaucoup de livres sur les Rolling Stones. Ils étaient tout le temps sur la route, observait Kurt Vile dans ces colonnes à l’automne 2018. C’est comme cela que je conçois la vie d’un musicien, c’est la seule vraie façon de rester connecté à la musique, parce que c’est purement organique.” On serait curieux de savoir ce que l’Américain aurait à redire sous le (contre) coup de tous ces mois de sédentarisation pour cause de pandémie globalisée. (Watch My Moves), mis en boîte en isolement forcé, offre un début de réponse, tant il permet au songwriter de soigner ses morceaux fleuves et de se reconnecter à ses racines musicales en retrouvant, comme à ses débuts, le chemin d’un home studio.
Après avoir enchaîné les tournées depuis plus d’une dizaine d’années, composé sans cesse sur la route et enregistré une multitude d’albums aux quatre coins des États-Unis, Kurt Vile s’est donc vu contraint de reprendre une vie ordinaire et casanière, tout en poursuivant le travail dans sa maison des environs de Philly, entre phases de réflexion et d’écoute de Sun Ra (James Stewart, saxophoniste du Sun Ra Arkestra, apparaît sur le morceau d’ouverture), de sessions d’enregistrement en caleçon – les paroles de Flyin (like a Fast Train) peuvent en témoigner – et de promenades familiales dans les bois. Sur (Watch My Moves), Kurt Vile impose son rythme et ses humeurs. Il en ressort un disque contemplatif aux allures de voyage mental. Et l’immobilité devient mouvement.
Passionné d’artisanat, Jack White met en avant le travail manuel dans toutes ses activités. Ainsi, Third Man, le label qu’il a créé en 2001, gère aujourd’hui une usine de pressage de vinyles, une maison d’édition, un laboratoire photo (en argentique, évidemment), un bar, un atelier de tapisserie d’ameublement et plusieurs disquaires, entre autres. Cette éthique du fait-maison s’applique à sa propre musique, comme en témoigne aujourd’hui Fear of the Dawn, quatrième LP solo de sa foisonnante discographie. Le quadragénaire installé à Nashville a annoncé qu’il sortirait deux nouveaux albums en 2022 – le second, orienté folk, arrivera le 22 juillet. En avril, c’est un premier chapitre clairement rock et électrique qui vient dynamiter le printemps et qui s’inscrit dans la lignée des précédents – la pochette reprend d’ailleurs le code couleur bleu/blanc/noir de tous les enregistrements solitaires de l’ex-White Stripes, qui lui-même arbore aujourd’hui une chevelure bleu acier sur teint blanc et regard noir.
Au-delà de ce dogme chromatique, l’artiste le plus doué de sa génération ne se fixe aucune limite dans ses expérimentations sonores. On pense parfois à un autre esprit libre, le Beck des nineties, pour ce goût du collage (Into the Twilight, Eosophobia), cette audace d’aller piocher dans des styles où on ne l’attend pas (le grandiose Hi-De-Ho, entre flamenco, rock et hip-hop), sans jamais perdre son intégrité ni sa crédibilité. La guitare électrique est ici à l’honneur, avec des riffs métallurgiques que n’aurait pas reniés Led Zeppelin (Taking Me Back, en guise de prologue survolté) et des claviers envoûtants façon The Doors (Morning, Noon and Night). Entre les mains de Jack White, la guitare ose toutes les mutations, loin du minimalisme dont le musicien aimait faire preuve à ses débuts. Une chose n’a pas changé : son savoir-faire en matière de songwriting pop, allié à une euphorie contagieuse, comme sur That Was Then (This Is Now), irrésistible tube en puissance. De quoi patienter en attendant le deuxième volet, dans un peu plus de trois mois.
La plupart des journaux britanniques se sont emparés de l’affaire. Non pas de la success story propre à Fontaines D.C., que la presse anglo-saxonne n’a toutefois pas manqué d’évoquer depuis le premier album des Dublinois, Dogrel (2019), jusqu’à leur nomination aux Grammy Awards 2021 pour l’excellent A Hero’s Death (2020), mais d’une tout autre histoire, intrinsèquement liée aux rapports historiques et conflictuels qu’entretiennent le Royaume-Uni et l’Irlande. Dans les faits, l’Église d’Angleterre s’était opposée en juin 2020 à ce qu’une phrase en irlandais soit inscrite sur une pierre tombale d’un cimetière anglais, au motif que le message pouvait être perçu comme une déclaration politique susceptible de déchaîner les passions.
Pour Fontaines D.C., la polémique en question se faisait le reflet d’une discrimination bien réelle et persistante, que les cinq membres de la bande, établis dans la capitale anglaise après avoir quitté leur Irlande natale, subissent eux-mêmes au quotidien. C’est donc par cet événement significatif que le quintette a choisi d’ouvrir Skinty Fia, un troisième album aussi hanté par une réflexion sur l’identité irlandaise que par l’introspection des Dublinois. Et si les paroles empruntées à l’inscription controversée résonnent dès les premières secondes, elles ne peuvent qu’annoncer la noirceur de ces problématiques.
Après avoir poncé les disques des années 1990 typés Pixies ou shoegaze, puis dévoré les premiers Death in Vegas et surtout la discographie de Primal Scream pendant le confinement, Fontaines D.C. a su trouver la matière sonore nécessaire à l’expression de ses angoisses ambivalentes. Sur Bloomsday, l’adieu à Dublin et à la jeunesse insouciante prend alors des allures d’Higher Than the Sun (de Primal Scream) sous un soleil noir, quand ce n’est pas le morceau titre Skinty Fia et ses rythmiques puissantes empruntées au breakbeat qui déploient toute l’agressivité de XTRMNTR (du même groupe écossais). Discriminations subies sur le sol anglais (Roman Holiday), complexité des relations humaines (Nabokov), ruine des addictions (How Cold Love Is)… Entre mélancolie et rage sous-jacente, l’identité irlandaise infuse les questionnements des Dublinois, mais si le rapport amour-haine avec la mère patrie est avéré (I Love You), les dix titres du disque apportent une certitude : l’Irlande est à jamais dans le cœur de Fontaines D.C.
Dans Bedroom Walls, le son est volontairement lo-fi, contrastant avec la voix céleste de November Ultra, qui n’a pas choisi la terminologie de “bedroom pop” par hasard. Nous sommes ici entre quatre murs, mais bien au-delà encore, dans la psyché aux multiples variations émotionnelles d’une jeune multi-instrumentiste à forte personnalité. S’impose une réelle inventivité musicale, que l’on entend aussi bien dans le folk épuré d’Open Arms que dans les ritournelles synthétiques Le Manège, Monomania ou encore Miel : la chanteuse s’amuse aussi avec les machines et autres Auto-Tune, qui endosse ici davantage le rôle d’outil pop que de correcteur vocal.
Si l’on entend majoritairement de l’anglais, l’espagnol des origines de November Ultra est aussi convoqué : “Je crois qu’on passe nos vies à penser qu’on doit faire des choix, limiter le soi à une identité précise, une étiquette, une émotion, une mythologie – alors que nous sommes tous des êtres mouvants, changeants et si complexes. J’ai la grande chance d’être fille d’immigrés et d’avoir grandi avec toutes ces langues qui ont leurs propres codes.” Influencée par la pop 2.1, de Lorde à Harry Styles, les comédies musicales vintage ou les coplas que lui faisait écouter son grand-père Ramón, November Ultra signe un premier album qui, pourtant, ne ressemble qu’à elle-même, entre rose et anthracite. Jamais mièvre, la tendresse n’exclut ni la désillusion, ni l’humour, ni l’exaltation de composer : “La musique, et l’art en général, sont des matières qui deviennent mouvantes et vivantes à notre contact”, affirme-t-elle. En effet, à l’écoute de l’introspectif Bedroom Walls, on sent un peu plus fort notre présence au monde.
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