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Une fois par mois, RIFFX vous invite à son rendez-vous original sous la forme de chroniques musicales. Les 5 albums du mois de septembre – avec Malik Djoudi, Joakim, Limiñanas/Garnier, Sufjan Stevens & Angelo de Augustine et Matthew E. White – c’est tout de suite !
“Dis, désormais sommes-nous sous garantie/Malgré nos multiples tentatives”, chantait Malik Djoudi en 2017 sur l’imparable single Sous garantie, qui marqua superbement les prémices de sa carrière en solitaire, après quelques essais plus ou moins fructueux en groupe (Moon Palace, Alan Cock, Kim Tim). Encensé par Étienne Daho (duettisant avec lui sur À tes côtés), influencé par le traitement des guitares de Connan Mockasin comme par le son des synthés de James Blake, l’auteur-compositeur-interprète s’est rapidement fait un nom dans le Landerneau pop. Avec son apparition tardive, Malik Djoudi semble vouloir rattraper le temps perdu, faisant paraître en cette rentrée moins embouteillée qu’à l’ordinaire son troisième album au rythme bisannuel. Après avoir démarché Ash Workman (Metronomy, Baxter Dury, Christine and the Queens) pour Tempéraments (2019), le natif de Poitiers a trouvé dans le courtisé producteur Renaud Letang (l’homme de Clandestino comme de Souchon, Feist, Gonzales, Philippe Katerine) son point d’équilibre idoine pour arranger à quatre mains Troie. Fidèle à la sensibilité magnétique portée par sa voix haut perchée et désormais reconnaissable entre mille, Malik Djoudi réussit à marier toutes ses références musicales, comme en témoignent les duos partagés avec Lala &ce (l’entêtant single Point sensible), Isabelle Adjani (Quelques mots, à vous filer la chair de poule) et Philippe Katerine (le tube improbable Éric). “Où tu es ? Qui es-tu ?”, interroge d’emblée Malik Djoudi, avant d’enchaîner avec un couplet qui en dit long sur son envie de rebondir à chaque album : “J’laisse tout en suspens/Mon impresario/S’occupe des démos.” Car plutôt que de se reposer sur ses lauriers (une nomination aux Victoires de la Musique 2020, des collaborations à la pelle avec Daho, Philippe Zdar, Juliette Armanet, Izïa), il préfère le Danger et les Vertiges (tel Metronomy dans la langue de Christophe). À la fois contemplatif (2080), lascif (Adorée) et percussif (Vis la), Malik Djoudi s’invente des lendemains qui chantent, sans jamais se départir de sa nouvelle quête organique. Sa bataille de Troie est une splendide victoire pour la musique.
Acteur majeur de la scène électronique française à la fois DJ, compositeur, producteur et gérant du label Tigersushi, Joakim développe un univers musical aussi singulier que prospectif depuis la fin des années 1990. Intitulé Second Nature, son nouveau disque – qui succède à Samurai (2017) – prend la forme captivante d’une ode sonore à la nature dont l’originalité n’a d’égale que sa fertilité. “Ça fait un moment que je pense à un album consacré à la nature, confie Joakim. Comme beaucoup de monde, je suis très préoccupé par les problématiques liées à l’environnement (réchauffement climatique, biodiversité, etc.) qui prennent une place considérable dans nos vies aujourd’hui et vont devenir de plus en plus impérieuses. Je ne voulais pas aborder ces sujets de manière frontale. Plutôt que de dresser un bilan de la situation actuelle, j’avais envie de chercher à comprendre comment nous y sommes arrivés, ce qui m’a amené à explorer notre relation à la nature et à la représentation de la nature.”
Ayant longuement germé dans l’esprit de son auteur, nourri de livres divers sur le sujet, le projet a pu éclore du fait de la pandémie de Covid-19 et du temps qu’elle a libéré pour la création. Dès le premier confinement au printemps 2020, Joakim s’est attelé à la réalisation de l’album en prenant comme source matricielle une vaste bibliothèque de sons de nature accumulés au fil des ans – des sons captés par lui-même, dénichés sur Internet ou glanés dans son imposante collection de disques. “Je tenais vraiment à partir de ces sons, et non pas les ajouter à la fin pour éviter de tomber dans un côté décoratif, comme cela arrive souvent lorsqu’on utilise des enregistrements de terrain, notamment dans la musique électronique. J’ai d’abord créé des toiles de fond sonores en retravaillant les sons afin que l’on ne puisse pas identifier leur origine et ensuite j’ai tenté de composer de la musique en interaction avec eux.”
La tentative se révèle ô combien fructueuse. Riche de seize morceaux, pour une durée totale de plus de 80 minutes, Second Nature donne l’impression forcément euphorisante d’entendre apparaître un nouveau monde sonore, foisonnant et fascinant, dans lequel le chant des machines se mêle en harmonie totale avec celui des animaux. Impossible de fixer précisément ce territoire utopique oscillant si librement entre electronica, ambient, jazz, dub, musique concrète et post-Krautrock – un territoire véritablement inouï dont chaque nouvelle écoute, propice à d’autres découvertes, accentue le pouvoir d’enchantement. Très connecté avec les arts plastiques, Joakim a conçu une installation immersive accompagnant l’album et amenant à l’expérimenter autrement. Des vidéos réalisées par lui-même seront projetées en multidiffusion avec un son est spatialisé grâce à une technologie de l’IRCAM de sons 3D qui permet de manipuler des éléments sonores et de les déplacer dans l’espace : un environnement audiovisuel hors normes, à l’image de tout le projet.
Si vous n’aimez pas les vieilles bagnoles, la baston, les road trips trash yéyé, allez vous faire foutre. La musique des Limiñanas a toujours ressemblé à ce générique de fin qui n’en finit pas sur un plan fixe de la bouille écrabouillée d’un protagoniste en blouson de cuir étendu dans la poussière d’un désert aride. “Il y a de la cruauté dans l’air”, nous annonce Lionel Limiñana dans le titre introductif de De película, mis en boîte avec un Laurent Garnier qui ose à demi-mot se qualifier de “musicien” pour la première fois de sa vie. Saul, le héros, va mal finir. Juliette, elle, “travaille dans une caravane des années 1960” – elle tapine, oui –, et n’a même pas 18 ans. De ce pitch, vous faites un Tarantino, un Malick époque Badlands, ou un Russ Meyer. Mais c’est bien un disque qui tourne sur la platine. Un Limiñanas badass, sensible, et à côté de la plaque d’une époque qui ne chérit plus les gueules cassées et les outsiders. Du néo-Gainsbourg de fanzine, façon série B. Rien à foutre, Lionel et Marie continuent de sillonner les paysages d’Arizona du sud de la France au guidon de cette bécane de groupe qu’ils ont montée il y a des années, et qui n’a plu dans un premier temps qu’aux Américain·es, avant de se faire un nom chez nous. “Ceci n’est pas un album des Limiñanas produit par Laurent Garnier !” Faites-vous-en un sticker.
Après être allé chercher ce grincheux prodigieux d’Anton Newcombe pour Shadow People (2018), avant d’enchaîner avec Diabolique (2019), premier album d’un supergroupe (L’Épée) réunissant le Brian Jonestown Massacre, The Limiñanas et Emmanuelle Seigner sur un axe Cabestany-Berlin psycho-sixties, Lionel et Marie s’acoquinent avec Garnier. Une collaboration d’égal à égal·e qui fait la part belle aux mélodies radioactives avec, petite nouveauté, une déclaration d’amour aux embardées kraut de leurs illustres héros allemands des seventies, Can et consorts (Steeplechase, instrumental qui fait le lien entre les deux parties du disque).
En habitué, Bertrand Belin, dont l’empreinte Bashung se fait sentir plus que jamais, passe le temps d’écrire deux morceaux et de chanter sur un autre. The Limiñanas et Garnier ressuscitent aussi Edi Pistolas du groupe postpunk chilien Pánico, sur le diptyque Que calor !, pour lequel il avait carte blanche sur les paroles, à condition d’y placer “Que calor en la discoteca” et “Los cojones del perro”. Un disque à écouter en CinemaScope.
Ses adeptes l’attendaient depuis six années : le retour de Sufjan Stevens au folk matriciel de sa discographie. Ce n’est pourtant pas faute de fertilité de la part du compositeur américain qui, depuis son déchirant Carrie & Lowell (2015), a accouché de quatre albums à l’orientation électronique et new age. Les endeuillées méditations de Convocations (2021), le disque maximaliste de Stevens enregistré à la mort de son père biologique, en point d’orgue de ce virage, le temps était donc venu pour le musicien de ressortir sa guitare du placard. Autant d’expectative valait bien que Sufjan Stevens s’entoure pour mener à bien ce nouvel effort. C’est donc accompagné d’Angelo De Augustine, qu’il édite sur son label Asthmatic Kitty Records depuis 2017, que le natif de Detroit revient avec un disque acoustique.
Mais avec vingt ans de carrière et une quinzaine de disques à son actif, que peut-il avoir encore à catalyser ? C’est bien l’interrogation qui traverse A Beginner’s Mind, enregistrement trompe-l’œil vendu comme une collection de morceaux inspirés par les films que regardaient chaque soir les musiciens en résidence dans leur chalet au nord de l’État de New York. Un concept d’album né presque accidentellement quand les songwriters se sont rendu compte combien la vision de ces œuvres influençait leur écriture et leur permettait de renouveler leurs contemplations existentielles. Si les sources sont parfois référencées de façon évidente – Back to Oz, (This Is) The Thing –, c’est en tant que supports de libre interprétation que les musiciens les mobilisent.
Comme l’adage (tantôt attribué à Frank Zappa, tantôt au compositeur Martin Mull ou à l’humoriste Steve Martin) le dit, “parler de la musique, c’est comme danser sur l’architecture” : c’est ici l’impossibilité de chanter le cinéma qui anime Sufjan Stevens et Angelo De Augustine, proposant leur propre interprétation d’une disparate sélection de films pour étayer un propos empreint de philosophie. La leur est celle d’une humilité qu’institue le titre même, “l’esprit du débutant” étant le plus propre à l’apprentissage. Une trajectoire qui aurait de quoi déjouer les attentes – avec une ferveur presque messianique chez certain·es – autour du projet, dont la sagesse contraste avec l’immédiate authenticité à laquelle le natif du Michigan a habitué son public. C’est donc bien par sa subversion que A Beginner’s Mind se distingue. Si la rigoureuse constante d’un folk enchanteur est de mise, c’est dans la profondeur des symboles qu’il articule que l’album trouve son identité et sa place dans la discographie des musiciens.
Loin des lubies de rock stars ingérables, le trentenaire est un fiable entrepreneur, à la tête du label Spacebomb et du studio éponyme, grand bâtisseur tant dans sa vie professionnelle que privée. Six ans après son deuxième album, Fresh Blood, qui donnait suite à l’époustouflant Big Inner de 2012, on le retrouve marié et père de famille. Tous ses excès, toute sa démesure, c’est dans sa musique ou celle des autres qu’il les déploie. Car en plus d’exceller dans sa carrière de songwriter et de chanteur, ce géant à barbe hirsute se met souvent au service d’ami·es artistes en tant que producteur, arrangeur ou coéquipier de choc. Il a ainsi sorti deux disques en duo (l’un de reprises avec Flo Morrissey en 2017 et l’autre avec Lonnie Holley en mars dernier) et enluminé des albums de Foxygen, Max Jury, Slow Club, Nadia Reid, Dan Croll ou, bien sûr, Natalie Prass, qui, comme lui, a passé la majeure partie de son enfance à Virginia Beach. Tous·tes deux ont d’ailleurs formé un groupe ensemble au collège, cimentant une amitié qui continue de porter ses fruits.
La preuve sur K Bay, le troisième album de Matthew E. White, qui comprend deux morceaux coécrits par la fabuleuse Natalie Prass – Take Your Time (And Find That Orange to Squeeze) et Let’s Ball. Difficile de situer dans le temps ce son maximaliste, qui emprunte aux héros et héroïnes du passé tout en échappant à l’exercice de style puisqu’il s’inscrit résolument dans des techniques du présent. Impossible de lui apposer une étiquette tant il fourmille de références, reflétant les différentes obsessions de son auteur à l’érudition encyclopédique.
Le titre de ce troisième album renvoie à Kensington Bay, son nouveau home studio. On retrouve même une liste impressionnante d’invités pour l’aider à échafauder un tourbillon d’orchestrations fastueuses, soigneusement élaborées avec une vision de départ et la possibilité de changer en cours de route. Paradoxalement, cet orfèvre considère K Bay comme son album le plus intimiste, ne serait-ce que pour les paroles où il évoque plusieurs fois l’amour de sa vie (Merry, déguisée ici sous le pseudo de Judy) et lâche un étonnant diptyque contre le racisme et l’injustice (Only in America/When the Curtains of the Night Are Peeled Back). “J’aimerais bien que mon fils grandisse ailleurs qu’aux États-Unis, confie-t-il. Quand j’étais petit, j’ai vécu plusieurs années à l’étranger [aux Philippines et au Japon]. On envisage de s’installer bientôt au Pays basque français.” On l’y attend à bras ouverts.
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